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Presse - Archives 2008/2010
Articles 2010
Articles 2008
- CNRS Le Journal, octobre 2008 - Pascal Julien, "Des histoires gravées dans le marbre"
- CNRS Le Journal, n°224, septembre 2008 - ANR GraphsComp, "Moyen-Âge, le temps des réseaux" (http://www2.cnrs.fr/presse/journal/4004.htm)
Moyen Âge, le temps des réseaux
La structure du monde paysan au Moyen Âge est encore mal connue. Des historiens, mathématiciens et informaticiens se sont réunis pour reconstituer les réseaux de paysans au Sud du Lot. Avec des premiers résultats surprenants.
Borné, l'horizon des paysans du Moyen Âge ? Rien n'est moins sûr. Une équipe de chercheurs, regroupés pour la plupart au sein de la Maison des sciences de l'homme et de la société de Toulouse1, a passé au crible des milliers de contrats agraires conclus entre 1240 et 1520 dans une dizaine de paroisses du Lot. Et elle décrit, pour la première fois, l'organisation des réseaux de relations entre les serfs, qui s'étendaient au-delà de leur village. Des premiers résultats parus dans Neurocomputing en mars dernier ont eu les honneurs de la une du site internet de la revue Nature.
Jusqu'à présent, la structure de la société paysanne était mal connue. « L'essentiel des écrits émane de la noblesse et du clergé. Cela joue un rôle de prisme qui déforme le regard qu'on porte sur cette époque », explique Bertrand Jouve, de l'Institut de mathématiques de Toulouse, co-auteur de l'étude. D'où l'idée de se pencher sur les transactions agraires qui, parce qu'elles portent les noms des paysans, permettent de déterminer avec qui ils étaient en relation. En France, peu d'archives ont survécu à la Révolution. Fort heureusement, les documents agraires de la seigneurie de Castelnau-Montratier, dans le Lot, ont subsisté et ont pu livrer des milliers de noms et de relations au sein du monde paysan, formant un corpus d'information pour les chercheurs. « Deux individus sont considérés comme liés s'ils apparaissent actifs au sein d'un même acte, ou s'ils apparaissent comme tenanciers de parcelles voisines citées dans l'acte », précise Bertrand Jouve. Les archives ont été rassemblées dans une base de données en libre accès, Graphcomp2, réalisée avec le soutien de l'Agence nationale de la recherche (ANR). Elle permet de visualiser l'ensemble des textes et d'explorer la montagne de données qu'ils représentent.
C'est en étudiant cette masse d'archives que Bertrand Jouve et ses collègues historiens et mathématiciens ont pu visualiser les relations qui existaient entre les serfs et dessiner l'ébauche d'une organisation sociale insoupçonnée. La population paysanne de la seigneurie de Castelnau-Montratier était formée de « petits mondes » connectés entre eux par des individus-relais. « Ils servaient de vecteur de communication entre villages », souligne Bertrand Jouve. Des familles de propriétaires jouaient un rôle essentiel dans ces réseaux, de la même manière que les nobles ou les notaires. C'est par exemple le cas de la famille Combelcau, qui a occupé une position-clé jusqu'à la guerre de Cent Ans, avant de disparaître de la seigneurie et d'être remplacée par d'autres individus-relais.
Un tel résultat n'aurait jamais pu être obtenu avec des méthodes classiques. Relever dans chacun des milliers d'actes tous les noms et lieux qui apparaissent, et recouper l'ensemble, n'a été possible que par l'apport des mathématiques et de l'informatique. « Nos outils permettent aux historiens de formaliser et de visualiser les réseaux sociaux, ce qui est impossible à faire à la main », souligne Bertrand Jouve. Une fois les données passées au crible des outils d'analyse statistique et de la théorie des graphes, les chercheurs ont pu visualiser de véritables cartes des réseaux de relations entre paysans. À présent, ils vont se pencher sur l'après-Guerre de Cent Ans, pour tenter de comprendre comment le conflit a pu modifier l'organisation de la société paysanne. Et, pourquoi pas, découvrir ce qu'il a pu advenir de la famille Combelcau.
Denis Delbecq
Notes :
1. Ils sont issus de l'Institut de mathématiques de Toulouse (CNRS / Univ. Toulouse-I et III / Insa Toulouse), du Laboratoire d'informatique de Nantes Atlantique (CNRS / Univ. Nantes / ENSTIM Nantes), de l'unité Framespa (CNRS / Univ. Toulouse-II) et de l'Institut de recherche en informatique de Toulouse (CNRS / Univ. Toulouse-I et III / INP Toulouse).
- Le Figaro.fr, 29 Mai 2008 - ANR GraphsCom, "La vie des paysans du Moyen Âge révélée par les maths" (http://www.lefigaro.fr/sciences/2008/05/24/01008-20080524ARTFIG00514-la-vie-des-paysans-du-moyen-ge-revelee-par-les-maths.php)


- naturenews, 19 mai 2008 - ANR GraphsCom, "Social Networking gets medieval" (http://www.nature.com/news/2008/080519/full/news.2008.839.html)
Social networking gets medieval
Researchers give a French province the 'Facebook' treatment.

The popularity of Internet sites such as Facebook, Bebo and MySpace might make social networking seem relatively modern. But a team of French researchers has challenged this idea by trawling through medieval documents to create the oldest detailed social network ever constructed.
Working from records of land transactions dating back as far as 1260, computer scientists have reconstructed the social ties that bound 10 villages in the province of Lot in southwest France. The result is a rare look at how medieval peasants and lords were connected.
Documents showing medieval landholdings have been preserved in other parts of Europe, but are relatively rare in France, says one of the research team, Nathalie Villa of the University of Toulouse. "In France, most of these types of documents disappeared during the revolution," she says. "There is little documentation of how peasants lived their lives."
But in Lot, records of thousands of land transactions survived intact. Villa and her colleagues examined roughly 1,000 contracts, deeds and other documents stored in an online database, and analysed the social ties between the people featured in them.
Two peasants whose names appeared on the same land contract, or who shared the same feudal lord, for example, would be considered to be linked in the social network rather like Facebook 'friends' of today.
Disappearing families
Some of the results were unsurprising. Neighbours tended to be connected to one another, as did those who lived in the same generations. Generally, lowly serfs didn't get out much, whereas their lords were among the best-connected members of society.
But other findings proved more unexpected, Villa says. For example, some well-connected peasants had a surprising number of social links beyond their village. And analysis of later documents also shows that the network may have changed substantially over the course of the Hundred Years' War a prolonged conflict that smouldered on and off from 1337 to 1453, as two prominent families vied for the French throne.
Notably, one high-profile land-owning family, named Combelcau, all but disappeared after the War, says Villa. The team's results are reported in the journal Neurocomputing1.
"It's a very impressive piece of work," says Paul Ormerod, an economist and historian with Volterra Consulting in London, who has modelled the social spread of medieval heresy against the Catholic Church.
Ormerod thinks that Villa's work represents the oldest network to date. "It shows that you can do serious quantitative networks with history," he says.
But Ormerod adds the network doesn't yet say much about medieval life. He believes the work could be built on to show how medieval societies operated or changed over time. Villa says that her team is now working on a more complete analysis of documents after the Hundred Years' War in hopes of understanding how the society changed and what became of the Combelcau family and other unfortunate dynasties like them.