Equipe 3

Féodalité, communautés, pouvoirs

Actu de l'équipe 3











Axes de recherche

Ce programme se présente d'abord comme un prolongement de « l'école toulousaine » sur l'histoire du féodalisme dont Pierre Bonnassie a été l'initiateur, et dans le sillage de laquelle se situent la majorité des chercheurs qui, à Toulouse, travaillent sur les Xe-XIIIe siècles. Depuis dix ans, plus d'une dizaine de thèses publiées et plusieurs colloques ont permis d'affirmer la force de ce courant de recherches.

Cette dynamique de fond a permis aussi un large renouvellement des problématiques. L'axe fort qui se dégage de ce renouveau est méthodologique. Au lieu d'écraser la diversité des informations fournies par les sources pour bâtir un scénario unique, le parti pris est de mettre en pleine lumière les discordances autour d'un triple questionnement : s'agit-il de dissonances propre au jeu social que l'on observe, de divergences inhérentes aux méthodes d'approche ou de contradictions dans (ou avec) la tradition historiographique ?
Dans cette perspective, le cœur du nouveau dispositif de recherche est la réflexion fondamentale menée sur l'historiographie de la féodalité, et en particulier sur les liens paradoxaux qu'elle entretient avec le droit. Considérer l'écart entre le fait et la norme comme une insupportable difficulté qui invalide toute théorie d'un système féodal, c'est oublier que la norme n'a pas pour vocation d'être un reflet de la réalité. C'est oublier, en somme, que l'écart entre le droit et le fait est constitutif des processus normatifs. En aval, ce repositionnement des problèmes permet une interrogation cruciale sur les constructions historiographiques dont nous sommes les héritiers ; en amont, il autorise une exploration nouvelle des contradictions que révèlent les textes. Concrètement, le projet de recherche proposé pour le prochain quadriennal a une double ambition : 1) élargir et enrichir les bases documentaires, tant textuelles qu'archéologiques, et 2) restituer les sources dans leurs logiques propres afin de mieux éclairer une pluralité de dimensions qui a été trop malmenée. Le programme se décompose en six opérations.

Atelier 1 : Le séminaire Pierre Bonnassie (Roland Viader)

Le séminaire du vendredi animé par Roland Viader, et désormais dénommé « Séminaire Pierre Bonnassie », doit constituer l'activité centrale de ce programme. Rappelons qu'actuellement il rassemble 8 à 10 fois par an une trentaine de chercheurs venus de différentes universités du Midi de la France et du nord de l'Espagne. Il est cependant de plus en plus ouvert aux chercheurs travaillant sur d'autres régions d'Europe, qui sont régulièrement invités à présenter leurs travaux et à participer à la réflexion sur des thèmes nouveaux chaque année.
Le principe est de soumettre des dossiers textuels à une analyse critique visant à mettre au jour les rapports entre les « formatages » juridiques des textes et la réalité des sociétés qui produisent ces textes. Ce travail de décapage s'est attaqué au fief (2002-2003), au contrôle de la tenure (2003-2004), aux circonscriptions intermédiaires du haut Moyen Âge (2004-2005) et va poursuivre sa voie entre histoire, sciences juridiques et anthropologie. Pour les quatre ans à venir, il est prévu de travailler sur les unités de tenure et le contrôle de la migration des serfs. Mais il a été décidé aussi de travailler sur des sujets situés à l'intersection des problématiques de ce programme et des questions envisagées dans d'autres programmes : la propriété et les cultures temporaires (en liaison avec les programmes 6 : « montagne » et 5 : « aménagement de l'espace rural »), les faubourgs et quartiers nouveaux ( programmes 4 : « habitat » et 5 : « aménagement de l'espace rural »).
Ce séminaire, en effet, doit évoluer pour devenir un outil ambitieux et innovant, en position d'interface, entre nos divers programmes, d'une part, entre notre équipe et la communauté des chercheurs, d'autre part. Pour ce faire, le projet prévoit (1) la publication régulière des séminaires dans une nouvelle collection (le séminaire sur les circonscriptions du haut Moyen Âge est déjà en cours de publication). Ces dossiers sont conçus non comme une synthèse, ni comme une série de monographies décousues, mais comme un socle d'analyses et de données permettant le développement rapide d'enquêtes plus poussées sur des thèmes qui ne pourraient germer sans ce travail préalable, en raison de la dispersion des éléments de réflexion. Pour accélérer cet échange d'informations, le séminaire est en train de se doter, par ailleurs, (2) d'un site Internet où pourront être disponibles au fur et à mesure de l'avancée des travaux (a) des résumés des séances du séminaire, (b) les documents fournis par les intervenants ; (c) les cartes, les illustrations, les dossiers PowerPoint des communicants, (d) les éventuelles réactions de nos collègues internautes.

Atelier 2 : La territorialisation des cadres politiques (Xe-XIIIe siècles) (Hélène Débax)

Une première table ronde organisée à Toulouse en septembre 2005 (« Vicomtes et vicomtés ») ouvre la voie à une série de rencontres vouées à un réexamen des entités féodales. Dans la reconsidération historiographique récente dont est l'objet la spatialisation du pouvoir à l'époque féodale, il apparaît que l'échelon vicomtal a été négligé, considéré comme une sorte de comté en réduction, sans spécificité ni dans sa genèse ni dans ses attributions. Il semble pourtant que la vicomté, en tant que structure d'encadrement des populations immédiatement inférieure au niveau comtal, est inconnue à l'époque carolingienne. Dans la genèse de ce nouveau cadre territorial apparaissent diverses modalités, qui ont commencé à être explorées lors de la première table ronde qui a réuni 18 chercheurs spécialistes du grand Midi (de l'Aquitaine à la Provence et de l'Auvergne à la Catalogne). Un colloque sera organisé à l'automne 2006, en élargissant la géographie considérée, vers le Poitou et les régions ligériennes, vers la Bourgogne et jusqu'en Flandre. Une publication des actes s'ensuivra, pour offrir une première synthèse sur le phénomène vicomtal, entre période carolingienne et Moyen Age central.
Pour préparer le moyen terme, des étudiants de niveau M ou D sont associés au projet (2 mémoires de maîtrise ont été soutenus en 2005, l'un sur les vicomtes de Toulouse, l'autre sur les vicomtes de Castelnou ; un M2 est en cours sur les vicomtes de Turenne).

Atelier 3 : Représentation et conscience de soi (Laurent Macé)

Les perspectives ouvertes lors du colloque Guillaume d'Orange, organisé à Toulouse en octobre 2004 par des membres de Framespa, ont mis l'accent sur la nécessité de s'interroger sur les modes d'identification personnelle développés au sein de la société médiévale. La sigillographie, l'héraldique, la numismatique permettent de réaliser une approche novatrice et prometteuse tant les sources de ce type sont abondantes.
Des travaux en cours portant sur la représentation sigillaire aristocratique (étude des sceaux des Trencavel, analyse des pratiques sigillaires des comtes de Toulouse par L. Macé ; master 1 en cours sur les sceaux féminins du Midi) autorisent la poursuite de tels projets à plus long terme : publication et étude des sceaux du roi Pierre d'Aragon (M. Alvira Cabrer et L. Macé), prospection dans les fonds des Archives départementales de Midi-Pyrénées dans le cadre de travaux proposés aux étudiants de master.

Atelier 4 : Publications de sources (Hélène Débax)

La publication du cartulaire de Bigorre (B. Cursente, X. Ravier), fin 2005, ouvre la voie à un ensemble d'opérations visant à élargir la base documentaire pour l'étude des sociétés des XIe-XIIIe siècles.
Sont en cours et bien avancés des projets concernant : - le cartulaire de La Case-Dieu (X. Ravier), - le cartulaire des Trencavel (H. Débax), - le cartulaire de Madiran (B. Cursente), - les chartes de coutumes inédites du Béarn (B. Cursente), - le catalogue des actes des comtes de Toulouse (L. Macé), - les chartes de coutumes inédites de Midi-Pyrénées (X. Ravier et M. Eclache dans le cadre du projet Archives d'Oc animé par F. Bordes, directeur des Archives Municipales de Toulouse). - P.-H. Billy : Numérisation des chartes de l'espace Midi-Pyrénées antérieures à 1200 (environ 5000), programme ACI coordonné par B. Tock. Achèvement prévu : 2008.
Un colloque consacré aux perspectives ouvertes par les publications récentes de cartulaires est envisagé durant le quadriennal (« Les cartulaires du Midi aquitain : nouvelles approches, nouveaux problèmes »).
Par ailleurs, dans le cadre de stages organisés pour les étudiants M2, un projet vient d'être lancé : il s'agit du dépouillement et de l'édition des actes du fonds de Malte aux Archives départementales de la Haute-Garonne (encadré par H. Débax). L'entreprise concerne pour l'instant la commanderie templière de Pézenas, du XIIe au XVe siècle. Le but est de produire tous les ans un fascicule de transcription des actes (avec analyse et datation), et à terme une base de données constituant un inventaire complet des sources du Temple de Pézenas, qui pourra être consultée chronologiquement ou thématiquement. Dans le futur, d'autres commanderies templières ou hospitalières du fonds de Malte seront concernées par le projet.
Un autre corpus, le Trésor des chartes des rois de France, est l'objet de recherches en cours (un M1 en 2005-2006 sous la direction de H. Débax) et sera développé dans les quatre années à venir. Le but est d'inventorier et de transcrire toutes les chartes méridionales contenues dans ce fonds, qui a rassemblé des épaves des chartriers des comtes de Toulouse, des vicomtes de Nîmes, des seigneurs de Puylaurens et Dourgne et d'autres seigneuries du Midi. La recherche sera ici particulièrement fructueuse dans une comparaison avec les actes copiés dans les cartulaires (mise en regard chronologique, typologique et thématique des textes issus des deux corpus).

Atelier 5 : Aux origines de la paroisse rurale (Christine Delaplace)

Lors du précédent quadriennal, un des thèmes majeurs de la recherche avait porté sur les formes et processus de territorialisation. Il était apparu que la clé majeure résidait dans la genèse de la paroisse et qu'il convenait donc d'accorder une attention prioritaire à la période s'étendant entre l'Empire romain et l'Empire carolingien. Le succès du colloque Aux Origines de la paroisse rurale en Gaule méridionale, IVe-IXe siècle organisé à Toulouse les 21-23 mars 2003, suivi de la publication des Actes en 2005 (C. Delaplace éd .), appelait un prolongement qu'on peut programmer pour le prochain quadriennal.
Avec Philippe Pergola, Directeur de Recherche au CNRS, membre du LAMM (Univ. Aix), Ch. Delaplace travaille à la création d'un Groupe de Recherche européen sur l'Histoire de la paroisse rurale des origines au IXe siècle. Il s'agirait de créer une structure permanente internationale fédérant un groupe de chercheurs, tant historiens qu'archéologues qui travailleraient à une Histoire de la Paroisse rurale en Occident des origines au IXe siècle
Cet ensemble géographique serait examiné à partir du cadre des diocèses médiévaux pour aboutir à une publication en plusieurs volumes, un par province ecclésiastique, sur le modèle de La Topographie chrétienne des cités de la Gaule. Un autre objectif serait de concevoir, après discussion, un corpus terminologique et conceptuel qui permettrait de faire le point sur un ensemble de notions et de termes qui demeurent très flous, voire controversés. Il pourrait constituer un premier volume de cette collection : Histoire de la Paroisse rurale en Occident des origines au IXe siècle. Volume de Synthèse. Définitions, problèmes et méthodes.
Ce groupe de recherches offrirait un lieu d'accueil, de travail et de rencontre scientifique pour les jeunes chercheurs tant français qu'européens dans le cadre de la politique déchanges et de séjour à létranger prônée par le Ministère dans la réforme actuelle des études doctorales.

NB : Cette équipe qui traite de la société féodale en partant du principe d'indissociabilité des sources écrites et archéologiques, souffre particulièrement de l'écartèlement des chercheurs entre deux UMR. Les archéologues-historiens formés au même moule et qui, au sein de l'Utah, travaillent sur les mottes féodales ou les châteaux, en constituent le complément évident.
On a arrimé à cette équipe l'importante opération sur la christianisation de la Gaule du Sud proposée par Christine Delaplace qui ne prend tout son sens que dans la perspective de la création d'un groupe de recherche sur le haut Moyen Age réunissant les forces de Framespa et celles de l'Utah.