Thématique 4, atelier 3, chantier 3 : « Transmission, identité, mémoire »


Responsables : Valérie Sottocasa, Jack Thomas

Le couple Histoire/Mémoire a fait l'objet de travaux désormais classiques, de Maurice Halbwachs à Gérard Noiriel. Portée par les individus, les groupes sociaux ou plus largement les sociétés, la mémoire garde présent un certain passé, présence façonnée par des subjectivités et des enjeux propres à ses différents détenteurs. Nous souhaitons ici nous intéresser à un point précis du processus, celui de la transmission mémorielle, et envisager le passage de relais à travers une double focale, individuelle et collective.

Si les historiens ont exploré en profondeur les ressorts sociaux et culturels de la mémoire, ils ont moins souvent abordé ses aspects plus strictement cognitifs : comment individus et groupes mémorisent-t-ils et transmettent-ils les informations collectées au fil de leur existence ? Quelle est la durée de vie de ces souvenirs ? Comment sont-ils rappelés postérieurement et avec quel degré de fiabilité ? Quels sont les ressorts de l'oubli ?

L'étude du patrimoine mémoriel individuel et collectif sera l'occasion de mettre en oeuvre des sources riches et multiples (écrits du for privé, sources judiciaires, administratives ou religieuses...). Cette diversité nous engagera à utiliser les méthodes éprouvées aussi bien que faiblement expérimentées par nos collègues en sciences humaines. Dans cette perspective, un colloque s'est tenu sur la transmission de la mémoire des guerres de Religion (Paris 2002), faisant appel aux fonds classiques et aussi aux mémoires privés, aux sources iconographiques et littéraires. Dans un autre colloque (Dijon, 2001), le thème des témoins a été privé de réflexions sur le rôle de la mémoire dans la « fiabilité du témoignage ». Or, criminologues et psychologues ont mis en évidence la fragilité intrinsèque de la mémoire dans le rappel des événements, comme dans la reconnaissance des auteurs de délits ou de crimes.

Collective ou individuelle, la transmission des patrimoines mémoriels constitue un champ de recherche prometteur. Déclinée dans le temps long, on tentera d'en mieux cerner les mécanismes, les principaux acteurs et les contextes de son épanouissement. Dès lors, nous croiserons plusieurs fois les pistes ouvertes ailleurs dans la « thématique 4 » : l'acteur « famille », essentiel dans la transmission de la mémoire, permettra d'évoquer les notions de genre et aussi de lien fraternel ; une place de choix sera accordée aux archives du for privé, tandis que le contexte de la guerre, également privilégié ici, approchera le thème du conflit.

 

Pistes de recherche envisagées

 

- Mémoire et identité

Dans les affaires judiciaires appelées « questions d'état », mettant en cause l'identité supposée d'un individu, le recours aux témoignages est revendiqué tout au long de l'Ancien Régime et au-delà. De tels témoignages fournissent un abondant matériau de réflexion sur la mémoire et ses ressorts aussi bien individuels que collectifs. Dans des affaires criminelles, quelques causes célèbres permettent également une exploration du fonctionnement de la mémoire.

- Table ronde internationale (autour de N. Z. Davis) : Imposture, Identité et Mémoire.

- Projet « Neurosciences et Histoire » : de la formation des souvenirs à leur transmission par les individus et les sociétés. Il s'agirait ici d'organiser un dialogue constructif et ambitieux entre spécialistes des neurosciences et historiens travaillant sur les phénomènes mémoriels.

 

- Mémoire familiale : traces, transition, transmission (XVe-XXe siècle)

Ériger le présent en prochain passé, ainsi agit tout scripteur rédigeant ses papiers de famille. Mnémophores - porteurs de mémoire -, tels sont les écrits du for privé, qui disent l'identité individuelle et collective de la famille, afin d'assurer sa pérennité. Ceci a été démontré [bilan atelier 2, équipe 5]. Désormais, avec le recensement européen des sources disponibles (ANR-Corpus 2008, et projet ESF), l'effort portera sur le genre des scripteurs et sur des notions-clés de la transmission. Journée d'étude, exposition et édition de textes sont au programme.

 

- Mémoire, guerre et politique (XVIe-XXe siècle)

° Mémoires des guerres de Religion

Le travail entrepris sur la place de la mémoire des guerres de Religion dans les partis pris politiques des protestants et des catholiques du Midi pendant la Révolution Française ont permis de réévaluer la place des guerres de Rohan, sous-estimées dans l'historiographie : telle est l'une des réflexions nouvelles à explorer dans notre atelier. La place des affrontements confessionnels, survalorisée dans l'écriture de l'histoire et la transmission de la mémoire officielle, est considérablement nuancée grâce à l'étude des pratiques et des liens sociaux.

- La mémoire des guerres civiles dans la construction identitaire du Midi (Moyen Âge - XXe siècle). Une journée d'études examinera le poids des guerres dont les régions méridionales ont été le théâtre ou auxquelles elles ont été mêlées dans la construction d'un patrimoine culturel et d'une identité politique.

° Mémoire de la guerre de 1914-1918

Les travaux sur la mémoire de la Première guerre mondiale placent la famille au centre. De la pieuse conservation au refus de communiquer ce que l'on sait, les correspondances mettent en évidence les rôles sociaux bouleversés par la guerre. Des éditions sont en cours.

° La Première Guerre du Golfe dans la mémoire collective anglaise (1991) : une approche littéraire des mémoires et textes autobiographiques sera proposée ici, à travers l'œuvre d'Andy McNab. Les résultats de l'enquête seront publiés en ligne sur le site de Framespa.