Alexandre SUMPF, Devenir "éducateur politique" en URSS dans les années 1920: "recrutement" et "engagement" en question

Devenir " éducateur politique " en URSS dans les années 1920 : " recrutement " et " engagement " en question.







Alexandre Sumpf







Texte intégral :

Introduction



L'éducation politique, en russe politprosveshchenie, correspond à l'entreprise d'éducation et de rééducation de la population adulte russe initiée par les bolcheviks après Octobre. Elle se distingue de l'agit-prop, plus connu, sur le plan définitionnel et institutionnel. D'une part, l'agitation et la propagande ne représentent que deux aspects parmi d'autres du travail d'éducation politique. En outre, l'agit-prop ne vise dans les années 1920 que la propagande en faveur du parti bolchevique et de l'Etat soviétique - tandis que l'éducation politique est investie de la propagande plus large en faveur du communisme. En d'autres termes, quand l'agit-prop s'intéresse à l'engagement politique et au soutien actif aux bolcheviks, l'éducation politique se donne pour objectif la conquête des esprits, la transformation des idées et des mœurs - c'est-à-dire la formation de " l'homme nouveau ". D'autre part, l'agit-prop dépend uniquement du Parti, par l'intermédiaire du Département d'agitation et de propagande (Agitpropotdel) du Comité central. La direction de l'éducation politique, quant à elle, s'incarne dans une institution appartenant à la fois à la sphère partisane et à l'Etat. En l'occurrence, la Direction générale de l'Education politique, le Glavpolitprosvet, est un organe spécial du Commissariat du Peuple à l'Education, le Narkompros.



Fondée en novembre 1920 et dirigée jusqu'à sa suppression, à l'été 1930, par N. K. Kroupskaïa, l'épouse de Lénine, cette organisation régit l'ensemble de l'éducation des adultes en RSFSR. Un réseau de sections d'éducation politique (_politprosvety_) de niveau provincial, d'arrondissement et de canton encadre rapidement les institutions d'éducation politique que sont les bibliothèques publiques héritées de l'époque tsariste, les " points d'agitation " (_agitpunkty_) hérités de la guerre civile, les clubs ouvriers et les " maisons du peuple " (_nardoma_). A partir du XIIIe Congrès du Parti, tenu en mai 1924, l'_izba-chital'nia_ - une institution rurale et locale, ainsi que son appellation composite en témoigne - est promue comme " centre unifié de l'éducation politique à la campagne ". Il est prévu d'établir un maillage territorial rénové dont la cellule officielle de base serait l_'izba-chital'nia_ de canton (_volostnaia_). Cette décision entérine le projet totalisant des dirigeants du Glavpolitprosvet, qui entendent à la fois diffuser et densifier un réseau d'éducation politique presque réduit à néant par le passage à la Nouvelle Politique Economique (NEP). Pourtant, jusqu'ici, l_'izba-chital'nia_ était plutôt considérée comme une modeste institution villageoise, créée spontanément par les paysans.



Ceux que l'on nomme " éducateurs politiques " appartiennent en réalité à trois catégories distinctes et hiérarchisées. On recense tout d'abord les dirigeants et employés du Glavpolitprosvet à Moscou, c'est-à-dire essentiellement ceux qui travaillent à l'élaboration des décisions, des méthodes, du discours public sur l'éducation politique. Les employés des sections d'éducation politique à tous les échelons du maillage territorial, dénommés en russe politprosvetrabotniki, sont leur " relais " au sein du réseau administratif ; ce sont des fonctionnaires rémunérés. Enfin, les véritables agents sur le terrain, ceux qui travaillent au sein des institutions locales, souvent désignés par le terme plus familier de politprosvetchiki, bénéficient de statuts variés. Dans chaque canton rural, le budget étatique prévoit de salarier un izbach (responsable de l'_izba-chital'nia_), un " liquidateur de l'analphabétisme " (_likvidator_) qui travaille au sein du " point de liquidation de l'analphabétisme " (_likpunkt_) et un bibliothécaire cantonal. Mais il existe également des bibliothèques rurales, des instituteurs qui alphabétisent de leur propre initiative, des simples izbachi de village, parfois nommés krasnougoltsy parce qu'ils animent des structures éphémères appelées " coins rouges ".



La variété de ces statuts sociaux, la dispersion des institutions d'éducation politique et de leurs animateurs représentent un sérieux obstacle à une appréciation globale des " éducateurs politiques " en tant que groupe social. Est-on même en mesure, à l'aune de sources également très diverses et très partielles, de déterminer des points communs, exception faite de l'appartenance au même " réseau " ? Afin de contourner en partie cette difficulté, nous entendons étudier ici l'entreprise de formation des éducateurs politiques, en procédant par variation d'échelle, depuis le centre moscovite jusque dans les villages. Il s'agit, par l'intermédiaire de cette " réduction d'échelle ", " d'analyser les conduites, individuelles et collectives, en termes de possibles "[1] au sein du schéma théorique global établi par les dirigeants de l'éducation politique. Quels sont les ressorts politiques et sociaux du recrutement des " éducateurs politiques " ? Dans quelle mesure le projet élaboré par les dirigeants du Glavpolitprosvet et les responsables locaux a-t-il pu être mené à bien ? Pourquoi entreprendre une formation pour être " éducateur politique " ? Est-il aisé de le devenir ? Désire-t-on vraiment le rester ou s'agit-il d'un moyen d'intégrer l'administration soviétique ?



Nous envisagerons tout d'abord la formation des cadres supérieurs de l'éducation politique assurée par un établissement d'élite, l'Institut moscovite d'Education politique (MPPI). Outre le fait que les promotions sortantes ne sont pas forcément mises à disposition du réseau administratif dirigé par le Glavpolitprosvet, on constate l'existence d'un fossé significatif entre théorie de l'enseignement dispensé et pratique de l'éducation politique. Faut-il en déduire que l'éducation politique n'est que le nom donné à une institution parmi tant d'autres partie prenante du " système soviétique " des années 1920, qu'elle ne s'incarne pas dans la réalité vécue de la population ?



L'étude des cursus de formation spécifique proposés aux éducateurs politiques ruraux que sont les izbachi, au niveau d'une province (Moscou), nous permet de nous convaincre du contraire : les éducateurs politiques existent bien et se recrutent au sein des différentes couches de la population. Il s'agira de déterminer les intentions des formateurs en termes de contrôle, d'amélioration de la qualification spécifique, de création d'une véritable corporation. Peut-on mettre en évidence les stratégies individuelles des éventuels candidats aux postes de responsabilité, dans le réseau administratif d'éducation politique ou au poste d'_izbach_ ?



Enfin, nous plongerons au cœur d'un canton de la province de Moscou, celui de Buholovo, afin de réévaluer l'approche de la paysannerie par les bolcheviks dans les années 1920, à la fois en tant que cible de la propagande et que vivier de recrutement des éducateurs politiques. Cet exemple très local n'est pas forcément plus " concret " que les cas que nous développons dans les deux premières parties. En revanche, le déplacement de la focale sur un événement court et ponctuel ouvre le champ des hypothèses au sujet de l'emploi fait par la population du contenu même de l'éducation politique. En dépit du caractère foncièrement théorique et administratif des programmes, et abstraction faite des possibilités d'ascension sociale offertes par les cursus de formation, la population rurale ou même paysanne a-t-elle intérêt à s'engager dans l'éducation politique ? L'hétérogénéité fondamentale entre dirigeants bolcheviks et paysans explique-t-elle l'impossibilité pour les premiers d'obtenir un soutien, même passif ou ponctuel, de la part des seconds ?



Le présent article entend faire la lumière sur les contradictions du " recrutement " de cadres par les dirigeants bolcheviks ainsi que sur les logiques de " l'engagement " de certains individus au sein du " système soviétique ".



Le MPPI,

Université communiste de l'éducation politique : une formation supérieure éloignée du " pays réel ".



L'analyse s'appuie volontairement sur les documents qu'il est désormais possible de consulter dans les archives russes de niveau infranational, héritées de la période soviétique. Il va sans dire que cette partie de la recherche n'aurait pas été envisageable sans un travail de longue haleine dans les archives nationales qui conservent en théorie les fonds des principales institutions et administrations. Les sources que constituent la presse générale et spécialisée, les brochures prescriptives sont tout aussi essentielles pour évaluer correctement la dimension et les variations du " projet " d'éducation politique de la population adulte. Il faut donc toujours garder à l'esprit que l'on ne doit pas accorder plus de " pouvoir " aux documents d'archives qu'ils n'en ont et que doit être employé l'ensemble des sources écrites et iconographiques produites à cette époque.



Cependant, profitons de la tribune qui nous est ici offerte pour militer auprès de nos collègues chercheurs qui se demandent encore ce que peuvent leur procurer " de plus " les archives de niveau local. Comme on peut s'y attendre, elles recèlent en quantité des fonds d'institutions, d'associations, d'entreprises, de lignes de chemin de fer, des fonds privés de personnalités dont les archives nationales n'ont pas voulu ou pu se charger. Oleg Hlevnjuk a toutefois insisté, il y a déjà quelques années de cela, sur la difficulté qu'il y a à comprendre le système des attributions entre archives2. Le premier avantage manifeste offert par les archives locales, au-delà de la multiplication des cas et des exemples, réside dans la possibilité de constituer des séries documentaires quasiment continues, comme nous l'a révélé notre expérience des Archives municipales de la ville de Moscou (CMAM).



Ainsi, cette première partie de l'étude s'appuie essentiellement sur le fonds de l'Institut moscovite (central) de l'Education politique (Moskovskij Politiko-Prosvetitelnyj Institut, ou MPPI), placé sur le même pied que les Universités communistes (_KomVUZy_). Nous y avons découvert des renseignements d'une précision inégalée - ce qui constitue le second atout évident des archives de niveau infranational. Outre les programmes des cursus (en trois ans), listes d'étudiants et parfois polycopiés de cours ou de leçons sont mis à la disposition de l'historien. Surtout, nous avons été en mesure de déterminer où a été recrutée cette élite, nouvelle " intelligentsia soviétique " formée à l'Institut. M. David-Fox, dans son précieux ouvrage3, n'a pas pu " creuser " aussi loin et voir mis à l'épreuve sur le terrain les comportements, les habitudes, les conceptions apprises par les étudiants à l'Université communiste Sverdlov.



Les Universités communistes, du type de l'Université Sverdlov créée à Moscou en 1920 et placée dans l'orbite du Glavpolitprosvet, sont censées constituer le creuset de formation de la " nouvelle intelligentsia " soviétique. Dans le domaine plus restreint de l'éducation politique, il a fallu six années aux dirigeants de l'éducation politique pour inscrire le cursus spécifique d'éducateur politique parmi les formations supérieures destinées aux meilleurs étudiants de la République. Des " cours accélérés " (_kratkosrochnye kursy_) sont tout d'abord créés en 1920 à Moscou, la nouvelle capitale, par le Département d'instruction extra-scolaire de la Section moscovite du Narkompros (MosgubONO). Ils ne durent au départ qu'une semaine, mais l'ampleur de la tâche nécessite bientôt d'étendre leur durée à trois mois. Dès 1922, la paix revenue, la durée du cursus est portée à un an et demi. Puis, en 1924, les Cours supérieurs panrusses d'éducation politique de Moscou sont répartis sur trois années et appartiennent désormais au réseau restreint des établissements communistes d'enseignement supérieur (_komvuzy_).



Enfin, le 17 mars 1925, est créé officiellement l'Institut moscovite de l'Education politique (_Moskovskij Politiko-Prosvetitelnyj_ Institut ou MPPI). Le MPPI est directement lié à la Direction générale de l'éducation politique, au travers de sa directrice (_rektor_) Dora Iul'evna El'kina, ancien membre du Comité du Glavpolitprosvet. Ancienne SR de gauche qui a adhéré au parti bolchevique en 1919, D. Iu. El'kina a été longtemps directrice de la Commission panrusse extraordinaire de liquidation de l'analphabétisme (VChKLB). C'est une figure connue de la Russie de la guerre civile car elle a élaboré le premier abécédaire pour adultes soviétique, qui comportait la célèbre la phrase liminaire " Nous ne sommes pas des esclaves, les esclaves, ce n'est pas nous "[4]. A ce titre, El'kina peut être considérée comme l'une des principales théoriciennes de la nouvelle pédagogie en direction des adultes, ce qui justifie sans doute sa nomination à la tête du MPPI. Outre sa présence, le bâtiment attribué à l'Institut, sur la rue Tverskaia, le recrutement de professeurs renommés, comme D. B. Riazanov, les importantes sommes allouées témoignent du caractère élitiste de l'institution.



En 1917, et a fortiori en 1925, tout est à (re)construire dans le domaine de l'éducation des adultes : un contenu, des programmes, une pédagogie - et il faut réunir des théoriciens, des professeurs et des étudiants. Les programmes pour adultes sont censés diffuser la " conception marxiste du monde ". Ils s'inspirent principalement d'une vision " scientifique " de l'histoire de la Terre et de l'humanité, qui implique dans la Russie soviétique d'alors l'application systématique du schéma de lutte de classes popularisé par Marx. Les étudiants du MPPI sont appelés à acquérir un savoir fondé sur des connaissances assez pointues enseignées dans le cadre de séminaires, ainsi qu'un savoir-faire dispensé lors des séances de travaux pratiques en petits groupes. L'objectif des programmes est d'octroyer aux futurs éducateurs politiques un niveau d'instruction supérieur, les éléments fondamentaux d'une vision du monde influencée par le matérialisme dialectique, et, pour finir, une connaissance générale de tous les aspects du travail d'éducation politique. Surtout, l'apprentissage poussé d'une ou deux branches de ce travail doit amener en théorie l'étudiant à se spécialiser.



L'enseignement de cette spécialisation, pourtant, s'avère très théorique en première année et à peine moins général en deuxième année. Si l'on consulte les brochures disponibles à l'époque qui servent de manuel de base, on est frappé par leur ton didactique, par le caractère très vague des indications pratiques pour les activités impliquant un contact direct avec la population. En troisième année, on propose aux futurs éducateurs politiques, regroupés en trois cycles différents (bibliothèques, clubs et scolaire), de suivre un enseignement spécifique pour le travail d'éducation politique à la campagne. Leur apprentissage consiste surtout à démêler les rouages administratifs soviétiques, à prendre conscience du rôle du parti bolchevique en milieu rural, à étudier les particularités du réseau d'éducation politique, notamment l'_izba-chital'nia_. L'aspect " pratique ", abordé en travaux de groupe, est en fait purement administratif, lui aussi. Il s'agit pour les étudiants de maîtriser l'art du rapport (_otchët_) et des statistiques, ou encore de la construction d'un plan de travail d'échelle provinciale5. Les élèves du MPPI ne reçoivent donc pas un véritable enseignement professionnel axé sur les besoins réels de la campagne en éducateurs politiques formés ad hoc.



En outre, les stages pratiques à la campagne illustrent le fossé entre ces étudiants moscovites et la paysannerie russe. Le principal stage des étudiants de la première promotion de l'Institut se déroule au cours de l'hiver (du 20 décembre 1924 au 25 janvier 1925), à la campagne. La préparation méthodologique consiste en une lecture commentée de l'ouvrage de Ia. A. Iakovlev, La campagne comme elle est6. Or cette brochure fameuse opère une reconstruction de la représentation de la campagne à partir des clichés véhiculés par les " populistes " du XIXe siècle et enrichis par une vision spécifiquement bolchevique de la paysannerie, artificiellement divisée en classes. Les paysans y sont décrits comme " arriérés " sur le plan culturel et économique, comme des bouilleurs de cru alcooliques et superstitieux.



Les organisateurs du stage prévoient cependant de mener une véritable " enquête sur la campagne ", par groupes de cinq, avec si possible une activité d'éducation politique ou plus simplement un travail mené pour le compte des organes du Parti ou des soviets locaux. Toutefois, de l'avis même des responsables du MPPI, cette enquête est souvent mal conduite car les groupes ont mal défini leur territoire d'action. Pire, dans certains groupes, la majeure partie des étudiants " ne connaissaient absolument pas la campagne auparavant "[7]. D'ailleurs, signe qui ne trompe pas, la plupart des onze provinces choisies par les étudiants se trouvent à moins d'une journée de Moscou. Peu utilisés par les autorités locales, ils apportent avant tout une aide matérielle, quasi " humanitaire ", qui consiste en des assortiments (_komplekty_) de livres (200 à 300 par groupe), et des journaux et des brochures. Jeunes et communistes, ils mettent tous l'accent sur la lutte antireligieuse, au risque de se couper de la population et de créer un malaise après leur court séjour.



De toute manière, les étudiants de cette première promotion de 1924 sont destinés, de l'aveu de D. Iu. El'kina, à devenir des " dirigeants de niveau provincial, s'orientant bien dans les questions méthodologiques générales de tout le travail d'éducation politique et des connaisseurs de l'un de ses domaines (bibliothèque, clubs, cours, excursions) "[8]. De fait, huit d'entre eux (sur 40) sont engagés à leur sortie du MPPI dans des postes de responsabilité au sein des instances du Parti, souvent dans des régions pionnières (Asie centrale, Sibérie). Neuf autres anciens élèves travaillent dans le système de l'éducation politique, en général au niveau provincial, la plupart comme inspecteurs. En fin de compte, si tous ne deviennent pas éducateurs politiques, la majorité n'a pas été " avalée " par le Parti ou même l'_Agitpropotdel_. Rares, certainement, sont ceux qui ont effectivement pris la tête des gubpolitprosvety où ils ont été recrutés. Mais le nombre d'inspecteurs nouvellement formés indique la possibilité d'une reprise en main idéologique et méthodologique au niveau provincial.



D'autre part, en dépit du nombre élevé d'élèves d'origine paysanne (environ 50%), on constate qu'aucun d'entre eux ne retourne en milieu rural. Leur rapport à l'agriculture reste d'ailleurs assez livresque : deux d'entre eux sont ainsi choisis pour donner des cours au Tekhnikum agraire pédagogique (_Agropedtekhnikum_) de Kostroma. L'admission au MPPI signifie pour beaucoup une carrière dans les hautes sphères et, pour les véritables paysans, une échappatoire au monde rural. Il paraît évident que les paysans verront rarement de tels _politprosvetrabotnik_i travailler parmi eux. Mais comment ces derniers entendent-ils former à leur tour des éducateurs politiques spéciaux destinés à travailler dans un milieu quasiment inconnu ?



La formation des izbachi au niveau provincial : entre contrôle et sélection, la stratégie sociale des apprentis éducateurs politiques.



Le réseau provincial d'enseignement destiné aux adultes comprend toute une gamme d'institutions éducatives spécialisées, appartenant pour la plupart au système du Glavpolitprosvet. Ainsi, les " points de liquidation de l'analphabétisme " (_likpunkty_) et les " cours pour adultes " de niveau primaire et secondaire sont créés à l'intention de toute la population adulte ; leur accès est en théorie complètement ouvert. En revanche, l'accès aux écoles d'instruction politique, ou shkoly politgramoty, est contingenté : elles ne sont ouvertes qu'aux seuls membres du Parti et du Komsomol ainsi qu'aux membres suppléants (_kandidaty_) des deux organisations, et un numerus clausus est rapidement mis en place. Les écoles d'instruction politique se développent particulièrement à la suite du recrutement massif d'ouvriers et de paysans dans les rangs du Parti en 1924 par la " promotion Lénine ". Les dirigeants du Parti, d'une autre génération, plus intellectuelle, estiment alors que 50 à 60% des membres du Parti sont " politiquement analphabètes ", même si les ouvriers sont estimés plus " avancés " que les paysans9.

Au niveau provincial, les écoles des Soviets et du Parti (_sovpartshkoly_) sont quant à elles censées former les cadres de l'administration et des instances du Parti. Ces écoles spécialisées sont financées dès novembre 1920 par le budget propre du Glavpolitprosvet, qui se trouve donc chargé directement de la tâche cruciale d'instruire la " nouvelle intelligentsia soviétique ". Il s'agit d'ailleurs du premier poste de dépenses de l'institution Dans les sovpartshkoly, on applique les programmes élaborés au sein de " l'organe de la propagande étatique du communisme ", on y suit les emplois du temps imaginés par les responsables des gubpolitprosvety. Mais, choisis par les responsables locaux du Parti, ces nouveaux cadres sont destinés à occuper les meilleurs postes de l'administration soviétique locale.



Il ne reste aux dirigeants de l'éducation politique que la maigre satisfaction d'avoir fondé et fourni un socle commun de connaissances à ces " hommes nouveaux ". Toutefois, le langage employé, les références à la pensée de Marx, l'abstraction des leçons ne paraissent pas d'une grande utilité dans le service quotidien des employés de l'administration soviétique. Des sommes conséquentes engagées, des expérimentations diverses sont menées pour obtenir une harmonisation des programmes. Cependant, la partie émergée du système de formation des adultes échoue à offrir à la République russe les éducateurs politiques dont elle a, aux dires des dirigeants du Glavpolitprosvet, tant besoin.

A partir du printemps 1923, dans la province de Moscou, puis de 1924 dans d'autres provinces russes, sont donc organisés des cours spécifiques pour les éducateurs politiques de la campagne. Nombre de documents nous renseignent de manière détaillée sur les cours de la province de Moscou, notamment sur ceux dispensés pendant trois semaines à 92 futurs izbachi au mois d'octobre 192410 et ceux de l'été 1925, d'une durée de deux mois. Au cours de ces deux sessions, l'accent est placé par les formateurs sur le travail d'organisation sociale (_obshchestvannaia rabota_) et sur le travail d'information (_spravochnaia rabota_), d'une part, et d'autre part sur les méthodes du travail d'éducation politique, afin de parfaire la faible expérience des étudiants. Ceux-ci ont en effet en moyenne travaillé moins de quatre mois au poste d'_izbach_. Cela s'explique assez facilement par la relative jeunesse du nouveau réseau d'éducation politique institué après le tournant du XIIIe Congrès du Parti. En mai 1924, en effet, la troïka composée de Zinoviev, Staline et Kamenev impose le retour au thème de " l'alliance ouvrière et paysanne " (_smychka_), opposé à la démarche " industrialiste " de Trotski.



Les responsables de la section moscovite d'éducation politique, le Mosgubpolitprosvet, recherchent avant tout la pérennisation des effectifs, car sur les 190 personnes formées en 1923 et 1924, seuls 20% sont restés en poste11. Cette stabilité pourrait garantir à la fois la consolidation sur le terrain du réseau en place sur le papier - c'est-à-dire mettre fin à l'absentéisme et aux mutations incessantes - et améliorer la qualité du travail d'éducation politique. Celui-ci devrait être effectué par des izbachi plus expérimentés, soumis aux impératifs de la formation continue, plus étroitement conseillés et contrôlés. Les organisateurs moscovites mettent donc tous les atouts de leur côté pour parvenir à ces fins.



Ainsi, des professeurs renommés sont engagés par le Mosgubpolitprosvet, à commencer par les deux adjoints de N. K. Kroupskaïa, présidente du Glavpolitprosvet : A. G. Kravchenko et V. N. Mescheriakov. De même, l'octroi de manuels en quantité importante, les agréments divers du séjour à Moscou participent à divers degrés de l'entreprise de fidélisation des futurs izbachi. Surtout, le choix de la période de l'année est crucial : après les résolutions du XIIIe Congrès en mai 1924 et la réorganisation conséquente du Glavpolitprosvet, les travaux des champs ont vidé les villages et empêché le choix des candidats par les sections locales d'éducation politique. Or il est absolument nécessaire d'assurer la formation d'une nouvelle génération d_'izbachi_ avant l'hiver, saison qui constitue traditionnellement le temps fort du travail culturel (et politique) à la campagne. Enfin, en cette année endeuillée par le décès de Lénine, la commémoration du septième anniversaire de la Révolution d'Octobre est dotée d'une importance particulière et se doit d'être préparée plus minutieusement encore que les années précédentes.

Le programme des cours, très proche, quoique de format plus réduit, de ceux du MPPI, joue en fait un rôle mineur en comparaison d'un processus de sélection multiple imaginé par les responsables provinciaux. Les responsables du Mosgubpolitprosvet, en particulier le directeur des cours de formation A. Aleksandrov, entendent effectuer la sélection des izbachi de niveau cantonal à l'aune de plusieurs critères : l'appartenance politique, l'origine sociale, l'ancienneté dans les métiers de l'éducation politique. Ils souhaitent être assurés non seulement de l'assiduité aux cours, mais aussi de la pérennité de leur travail de formation. L'objectif premier est la stabilité des effectifs, et c'est en ce sens que l'on sollicite des Sections d'éducation politique d'arrondissement (_upolitprosvety_) l'envoi de candidats.



De fait, en 1924, les critères de classe sociale (70% de paysans et 26% d'ouvriers) et d'âge (30 ans en moyenne) ont été respectés et un seul étudiant est " sans-parti " (on compte 28 membres du Parti et 64 du Komsomol). Cependant, une majorité n'a travaillé qu'un court laps de temps dans l'éducation politique : 36 d'entre eux ne connaissent pas du tout le travail d'_izbach_, 31 ont exercé cette fonction moins de trois mois et seuls 6 sont izbachi depuis plus d'un an12. De plus, A. G. Kravchenko stigmatise le faible nombre de journaux lus et le mauvais choix des livres étudiés13. De fait, si 81 journaux sont nommés par les étudiants (mais on ne sait pas combien ils en lisent chacun, et avec quelle régularité), il s'agit pour une bonne part de presse locale (23,5%), voire de " ceux qui sont disponibles " (2,5%)[14].



Les formateurs du Mosgubpolitprosvet, au cours des trois semaines de formation, sont censés accroître le savoir et améliorer le savoir-faire de leurs apprentis. Ils se donnent surtout pour tâche de déterminer à quels postes ils seraient le mieux employés : à l'_izba-chital'nia_ de canton, dans une bibliothèque, ou dans une simple izba-chital'nia de village. Les étudiants sont semble-t-il jugés sur leurs performances lors des travaux pratiques - presque toujours effectués en groupe. Nous n'avons retrouvé aucun document assimilable à un " contrôle de connaissances " qui soit noté ou qui porte même une quelconque appréciation. L'évaluation du niveau des futurs izbachi est en fait proposée par le moyen de listes, composées sur le principe du regroupement géographique. Ainsi, arrivés d'un même arrondissement, destinés à y retourner, les futurs agents de base sont également jugés avec leurs collègues voisins. A l'issue des cours, les formateurs moscovites renvoient aux upolitprosvety les izbachi fraîchement formés ou requalifiés, munis de recommandations spéciales.



En règle générale, le niveau des étudiants est estimé suffisant (_udovletvoritelnyj_) ou bon (_khoroshij_), et ils sont recommandés pour la nomination au poste d'_izbach_ de canton. Par exemple, au cours de l'été 1925, sur les dix candidats envoyés par l'_upolitprosvet_ de Klin (nord-ouest de Moscou), seul le niveau de Kuliavushkin est jugé " faible ". L'ancien izbach de village I. M. Zakhorov, du même arrondissement, est quant à lui proposé pour le poste d'_izbach_ de canton " parce qu'il connaît très bien le travail à la campagne ". Pourtant, ses professeurs estiment qu'il est " lent "[15]. Le processus de sélection demeure donc imparfait, puisque des agents à l'efficacité relative seront malgré tout nommés à des postes de responsabilité. Cela ne signifie pas, au contraire, que la sélection " d'en haut " ne s'effectue pas ; mais elle entérine sans doute un certain nombre de cas locaux particuliers.



Les professeurs moscovites établissent toutefois une certaine hiérarchie. Ils apprécient ainsi particulièrement une bonne connaissance de la campagne - c'est le cas de V. L. Nikolaev, de Klin, qui n'a pas été izbach mais dont on juge que " son expérience du travail collectif à la campagne l'aidera à s'en sortir "[16]. Des capacités intellectuelles supérieures à la moyenne sont également valorisées par les formateurs des_ izbachi_. Ainsi, F. I. Karpychev, de l'arrondissement de Voskresensk (sud-est de Moscou), a beau avoir été absent cinq jours, il s'avère " très bon " et " s'oriente rapidement dans toutes les questions, et mieux encore dans les affaires pratiques, de manière profonde et dans toutes les directions "[17]. Ce dernier étudiant est même proposé, fait assez rare, pour une promotion au poste d'inspecteur (d'éducation politique) d'arrondissement, voire de province. A l'opposé, son collègue du même arrondissement V. Pisar'kov, quoique " faiblement instruit ", est estimé digne du poste d_'izbach_ de canton. C'est en effet un étudiant de niveau " satisfaisant " et surtout un " agent maître de soi "[18]. L'évaluation des étudiants est donc moins scolaire que psychologique et semble essentiellement tenir compte des besoins locaux. Qui se porte donc volontaire auprès des instances de l'arrondissement ? La première motivation avancée pour participer aux cours du Mosgubpolitprosvet est un désir d'échapper à la cruauté de l'été paysan, chaud et très laborieux - comme l'avouent plusieurs d'entre eux dans les missives qu'ils envoient par la suite à leur formateur Aleksandrov19.



Pour comprendre les motivations des candidats, nous disposons en effet de deux sources originales qu'il aurait été assez improbable de trouver telles quelles, non résumées ou sommairement analysées, dans les fonds des institutions centrales conservés aux archives de rang national : une correspondance (_perepiska_) et des formulaires d'enquête (_ankety_). La forme particulière de correspondance entretenue par un professeur (A. Aleksandrov) et ses anciens étudiants, apprentis_ izbachi_ formés à Moscou en 1924, s'avère relativement précieuse. La franchise des formulations, l'emploi d'un vocabulaire commun propre à la corporation, la fréquence des envois et des réponses représentent autant de témoignages sur les rapports possibles entre Aleksandrov, dirigeant de l'éducation politique, et ses " relais " dans les arrondissements de la province de Moscou.

En ce sens, les multiples lettres échangées perpétuent sans doute le dialogue établi oralement à Moscou lors des cours. En effet, dans l'esprit du professeur, il s'agit surtout de poursuivre une sorte de formation continue, de créer un réseau de correspondants locaux, de contrôler d'une certaine manière la situation depuis Moscou. Mais tous les anciens étudiants ne prennent pas le parti de répondre à la recommandation de leur professeur et d'engager une correspondance. De retour sur le terrain après un séjour à Moscou assez long (quelques semaines), en particulier du fait de l'aspect essentiellement collectif de leur activité, ils cherchent manifestement à s'extraire de leur contexte local et à rejoindre le lieu de leur formation, de leur reconnaissance, de leur légitimation.



Nous avons par ailleurs découvert dans les archives de la province de Moscou une série de formulaires d'enquête assez impressionnante - moins par la quantité totale (une centaine) que par le nombre de questions posées dans le questionnaire : cinquante20. L'anonymat des concepteurs et des sondés est relatif : certes, leurs noms ne sont pas connus, mais on sait à quel " cercle " ils appartiennent et l'on peut supputer l'identité du rédacteur principal - en l'occurrence, A. Aleksandrov, le directeur des cours pour_ izbachi_ du Mosgubpolitprosvet - ou établir un profil type de ceux qui ont répondu. Ces questionnaires, en tant que suite statistique, sont parfaitement analysables au moyen d'une base de données, et permettent bien de " faire apparaître les régularités dans les comportements collectifs d'un groupe social sans perdre ce que chacun a de particulier "[21]. Toutefois, étrangement, les concepteurs d'un outil aussi perfectionné s'en sont apparemment tenus à une exploitation purement statistique de cette source qui possède pourtant l'intérêt de livrer majoritairement des réponses développées. Il serait ainsi fructueux d'établir une hiérarchie entre répondants selon le niveau d'orthographe, le degré de compréhension de la question posée, la longueur et la construction des réponses, la capacité à énoncer des références communes ou plus personnelles.



Plus profondément, il est possible de discerner, au détour d'une phrase ou par recoupement, un faisceau de motivations personnelles et de circonstances qui ont conduit un individu de la " passivité " à " l'activité ", fût-elle minime. Ainsi, les étudiants du Mosgubpolitprosvet sont parfois des paysans peu aisés qui voient dans le métier d'éducateur politique une opportunité d'ascension sociale, si modeste soit-elle22. De manière générale, les izbachi de canton (déjà en poste ou appelés à l'être) souhaitent surtout recevoir un gage de reconnaissance, bénéficier d'une réelle légitimité sur le plan local. Ils l'obtiennent dans la très grande majorité des cas et les éducateurs politiques en tirent une assurance supplémentaire quant à la stabilité de leur emploi. Ainsi, l'un d'entre eux, si l'on en croit le questionnaire d'entrée qu'il a rempli, est un secrétaire de la cellule du Komsomol âgé de 25 ans. Son père, éleveur de chevaux, lui reproche de s'absenter inutilement de l'exploitation pour mener un travail d'éducation politique dans la petite izba-chital'nia précaire du village. Il tolérerait toutefois cette activité si elle était rémunérée. L'apprenti izbach s'est donc certainement rendu à Moscou suivre ces cours de formation afin, comme il le dit, de " légulariser " (ulegulirovat') sa situation23 - en vertu d'une stratégie individuelle clairement assumée.



Les cours du Mosgubpolitprosvet ne s'adressent cependant qu'aux izbachi de niveau cantonal et aux responsables locaux du réseau d'éducation politique. Or l'essentiel des éducateurs politiques qui agissent sur le terrain se situe à l'intérieur des cantons, dans les villages et les hameaux de la campagne. Comment donc les sortir de l'isolement, leur proposer une réactualisation de leurs connaissances, les contrôler ? En quoi sont-ils différents des_ izbachi_ qui siègent au chef-lieu cantonal ?



Les izbachi dans les villages :_ l'éducation politique investie par la paysannerie ?_

Dans cette dernière partie de notre étude, nous entendons montrer que les archives locales permettent, plus et mieux que les archives nationales, d'entendre la voix des couches populaires. Celle-ci prend dans les documents de multiples formes, tonne, fait écho ou discordance. Les comptes rendus de réunions publiques ou de conférences locales, les enquêtes menées sur le terrain, parfois pendant plusieurs semaines, les lettres rédigées dans le cadre de l'exercice de fonctions officielles ou adressées aux autorités représentent autant de canaux d'expression pour une population avide de comprendre, de s'exprimer, voire de " participer " dans une certaine mesure. De sorte que s'il faut éviter de généraliser sans précaution à l'ensemble du pays ces cas particuliers, leur mise en relation nous permet sans doute de dégager des tendances communes. C'est là le troisième intérêt capital du travail dans les archives de niveau infranational.

En octobre 1926, dans le canton de Buholovo de l'arrondissement de Volokolamsk (ouest de Moscou) pendant trois jours, 17_ izbachi_ expérimentés ou novices se voient proposer un stage de formation continue (_perepodgotvka_) au métier d'éducateur politique rural24. L'organisateur, S. Volk, considère que la répétition de ce type de courtes sessions de cours et l'envoi récurrent des mêmes " élèves " permettent la formation d'un véritable " effectif d'_izbachi_ " avec lesquels les dirigeants locaux de l'éducation politique ont pu établir une relation solide25. Ce cas particulier affiche de fait un certain nombre de spécificités qui participent du caractère fondamentalement " local " de ces cours - à l'instar, sans doute, d'autres cours du même type ailleurs.



Dans ce canton, les izby-chital'ni de village ne fonctionnent apparemment pas toute l'année, mais seulement l'hiver. De surcroît, le recrutement de leurs responsables s'avère ponctuel et aléatoire : on exige surtout d'eux qu'ils soient des citoyens estimables (_dostojnye_). Les cours pour éducateurs politiques de base sont caractérisés par un ancrage volontaire dans les réalités locales, un refus des " discours généraux "[26]. Cette proximité avec les préoccupations quotidiennes de la population est plusieurs fois mise en avant par les responsables cantonaux de l'éducation politique, notamment lorsqu'ils présentent les professeurs - notre médecin, notre agronome - en insistant sur leur appartenance locale.

Ici aussi, rien n'est épargné pour attirer le plus de candidats possibles. Mais la pauvreté des moyens transparaît à chaque instant : la section cantonale d'éducation politique (_volpolitprosvet_) finance l'achat de 25 cahiers et de 12 crayons, au cas où les étudiants viendraient sans matériel27. L'organisateur, S. Volk, remercie en préambule toutes les institutions du canton, et plus particulièrement la coopérative qui a accordé du thé avec 40% de réduction. Sans " l'aide multiforme "[28] apportée par les enseignants locaux, les membres du Komsomol, les déléguées féminines (_delegatki_) et les membre du comité d'entraide paysanne (KKOV), insiste-t-il, les cours n'auraient pu être organisés. Ces efforts sont récompensés : si les cours commencent devant 12 auditeurs seulement, ils s'achèvent trois jours plus tard avec les 23 étudiants prévus et 7 auditeurs libres.



Le programme établi au départ est présenté comme une " expérience " menée dans le canton à partir du programme envoyé par les responsables de l_'upolitprosvet_ au cours de l'été 1926. Les responsables des cours décident de concentrer l'enseignement autour de quelques questions : le travail d'organisation ; la propagande agricole ; le travail d'information ; le travail avec le journal ; l'éducation sanitaire ; le travail avec le placard, le tract ; l'ameublement et la décoration de l'izba-_chital'nia_ ; l'_izbach_ au skhod (l'assemblée de la commune paysanne). Pour le reste, le travail de formation des izbachi du canton est conçu par ses organisateurs dans le souci de satisfaire au mieux les besoins de leurs étudiants venus des villages alentours. Les cours s'appuient en théorie sur un certain nombre (6) de manuels ou de codes, dont l'achat (et l'envoi) est demandé au " parrain " du canton (_shef_)[29]. Ils finissent bien par arriver à Buholovo, le dernier jour des cours, mais si " les livres sont très gros, ils sont en trop faible quantité "[30]. Les_ izbachi_ volontaires, sans doute paysans pour la plupart, ne cachent pas leur déception lorsqu'ils comprennent que tous ne pourront pas rapporter au village les précieux codes agraires.



L'atmosphère des cours paraît bonne : le fait qu'on livre un certain nombre d'exemples concrets, comme des modèles de déclaration ou de plainte officielle, a, apparemment, " beaucoup plu et enthousiasmé les auditeurs "[31]. On constate une certaine souplesse dans la tenue des sessions, dans le but évident de répondre aux préoccupations pratiques des éducateurs politiques de base qui sont directement en contact avec la population. L'exposé de l'agronome Dem'janov suscite ainsi un rejet quasi immédiat et total : " La séance dirigée par l'agronome ressemblait plutôt à une conférence. Ce défaut fut vivement dénoncé lors de la pause. Les camarades entourèrent le responsable et l'assaillirent de questions. En fait, cette discussion libre tint lieu de séance et la leçon' passa presque en vain. "[32] Volk, le responsable des cours, se trouve donc confronté à un véritable groupe de ruraux et de paysans, venus (ou envoyés ?) au centre cantonal dans une intention bien précise : obtenir le plus de renseignements concrets possible, comprendre la ligne officielle de la révolution des campagnes (sur le plan social) et de la modernisation de l'agriculture.



La démarche qui consiste à aller suivre ces quelques journées de formation obéit vraisemblablement à une volonté personnelle, mais il semble bien que la communauté locale joue ici un rôle - difficilement appréciable toutefois étant donné le manque de sources à ce niveau. L'assemblée de la commune agricole (_skhod_) dispose en effet de moyens propres qui peuvent éventuellement être mis à la disposition du candidat aux cours pour financer son déplacement. D'autant plus que l'absence de l'exploitation à l'automne, même limitée à quelques journées, n'est pas concevable en milieu paysan. Or, on est frappé à la fois par le taux de participation et par l'infléchissement rapide du contenu de l'enseignement des cours de niveau cantonal par les étudiants eux-mêmes, visiblement venus dans un but bien précis.



Que pouvons-nous conclure de la différence constatée entre les étudiants du Mosgubpolitprosvet et ceux de Buholovo ? Qu'il faut distinguer deux types d'izbach, qui se placent chacun de part et d'autre d'une véritable ligne de fracture sociale et politique. L'_izbach_ de canton est un fonctionnaire rémunéré, plus ou moins correctement d'ailleurs. L'engagement au poste d_'izbach_ est essentiellement consenti pour percevoir un complément de salaire. Cet izbach est recruté et muté à volonté, souvent par les mêmes instances du Parti, voire par les sections locales du Narkompros - rarement par les politprosvety. Les lettres qu'il adresse à ses supérieurs émettent des plaintes d'ordre corporatiste, mais qui correspondent surtout à une stratégie individuelle. L'izbach volontaire, lui, n'est quasiment jamais nommé à son poste. Il n'est pas soumis aux mutations internes au système d'administration locale et travaille la plupart du temps gratuitement. Il connaît moins bien la " conception marxiste du monde " et sa maîtrise déficiente du discours de l'éducation politique l'amène à rédiger des rapports qui ne correspondent pas toujours à ce qui lui est demandé.



L'absentéisme, le cumul des charges d'un côté, l'aspect éphémère, ponctuel du travail de l'autre, créent les conditions de l'échec partiel de l'entreprise d'éducation politique de la population adulte. Le système d'éducation politique, pourtant, fonctionne normalement, mais comme à vide, pour lui-même. En témoigne par exemple le caractère plus ou moins explicitement faussé des statistiques envoyées régulièrement depuis les villages, compilées consciencieusement par les responsables locaux et transmises aux autorités de tutelle.

Au cours des années 1920, les dirigeants de l'éducation politique invoquent de manière lancinante la difficulté à recruter des " éducateurs politiques " qui soient plus " éducateurs " que " politiques ". Ils croient ainsi expliquer la distinction que nous avons opérée entre le " fonctionnaire " et le " volontaire ". Mais l_'izbach_ " politique ", c'est-à-dire l'agitateur politique, se soucie surtout de mener les campagnes d'agitation et d'organiser les fêtes du calendrier soviétique. Son activité politique n'est en fait qu'apparente. Il se conduit souvent comme un éducateur dénué de tact, prêt à forcer s'il le faut les adultes, considérés comme des élèves récalcitrants ou trop " arriérés ", convaincu que la répétition, comme le dit le proverbe russe, est la principale arme de la pédagogie. Même les activités éducatives possèdent ce caractère automatique, superficiel, coupé de la réalité.



Quant aux soi-disant " éducateurs ", ils ne sont pas vraiment en mesure d'éduquer une population paysanne qui ne leur demande pas forcément de le faire. En revanche, ils semblent jouer un certain rôle politique, à l'instar d'autres professions plus axées sur les intérêts économiques locaux - comme les employés de la coopérative. Ce rôle n'est pas celui qui leur est assigné dans le cadre de l'exercice de leur métier par les dirigeants bolcheviks et les responsables de l'éducation politique. Plutôt que de favoriser " l'organisation " de la population dans des structures " collectives " préfabriquées à Moscou, ils participent individuellement à l'insertion de la paysannerie dans la politique nationale. Sans qu'il y ait véritablement " adhésion " ou " engagement ", cette insertion s'incarne dans leur travail de prise de connaissance et de compréhension de la ligne politique énoncée par les dirigeants de l'éducation politique, ainsi que dans leur activité, même ponctuelle, au sein du " système soviétique ".



Conclusion

Les éducateurs politiques n'adhèrent donc au système d'éducation politique et ne se prêtent aux exercices proposés, n'emploient le " parler bolchevique " qu'ils ont appris que dans la mesure où cela sert leurs visées personnelles. Nous devons toutefois distinguer deux types d'éducateurs politiques de base. Une minorité d'_izbachi_ est salariée, et une immense majorité travaille gratuitement ; les deux, toutefois, sont des amateurs. Les premiers parce qu'ils sont avant tout des administrateurs, et les seconds parce qu'ils effectuent un travail incomplet, ponctuel, difficilement contrôlable, à l'utilité réduite. Choisir le réseau d'éducation politique ou devenir izbach suppose avant tout, sur le plan individuel, une motivation d'ordre social. Le changement de statut au village, même infime, et le salaire, même modeste, semblent bien être les principales causes de l'engagement dans le champ de l'éducation politique. Pour les paysans " montés " à Moscou, il s'agit de fuir la campagne, les travaux harassants des champs, les difficultés liées à la révolution politique, économique, sociale. Sur le terrain, un changement de statut au village, même infime, le salaire, même modeste, semblent bien être les principales causes de l'engagement dans le champ de l'éducation politique.



Ces stratégies individuelles ne s'opposent pas forcément aux intentions affichées par les dirigeants de l'éducation politique. S'ils mettent en place des cours spécifiques à tous les niveaux du territoire, c'est pour incarner le schéma administratif conçu à Moscou, stabiliser les effectifs, éventuellement améliorer le niveau général de qualification. Cependant, le contrôle et la sélection de ces employés de base, ne sont pas vraiment imposées " d'en haut " et obéissent plutôt à une politique pragmatique. Celle-ci garantit l'existence des activités d'éducation politique à la campagne, même de manière superficielle. C'est bien l'essentiel, sans doute, après la crise subie de plein fouet par le réseau en 1921 et en 1922. L'éducation politique, telle qu'elle est envisagée à Moscou, consiste moins à approcher la population qu'à maîtriser un territoire, se réduit à " tourner le visage vers la campagne ", certainement pas vers la paysannerie ou les paysans en tant qu'individus.



L'éducation politique, à l'évidence, est donc désincarnée : les montagnes de chiffres livrent une vision positiviste de l'activité réelle, sans jamais vraiment envisager ni les conditions, ni surtout, les résultats. Le projet d'éducation politique a-t-il pour autant échoué ? Cela demeure difficile à déterminer, pour les mêmes raisons. Tout au long des années 1920, le réseau d'éducation politique est bien en place, il fonctionne tant bien que mal. Plusieurs milliers de responsables et d'agents locaux sont recrutés et formés ; ils élaborent des plans de travail, établissent des budgets prévisionnels, rédigent sans cesse des rapports. L'éducation politique, en ce sens, existe bien, d'autant plus que ses acteurs disposent de nombreux canaux d'expression : les revues spécialisées du Glavpolitprosvet et ses brochures, une correspondance d'autant plus fournie qu'elle est gratuite pour les responsables d'_izba-chital'nia_.



D'un autre côté, les éducateurs politiques ne forment jamais une véritable corporation. Les responsables administratifs s'emploient au sein du réseau des politprosvety comme ils s'emploieraient ailleurs, l'éducation politique représente plutôt une voie marginale, sans réelles perspectives de carrière. Quant aux izbachi de canton, pour la plupart, leur indifférence au travail d'éducation politique est manifeste, les témoignages en ce sens abondent. Qui donc, dans ces conditions, porte un quelconque intérêt à l'éducation politique, si l'on excepte N. K. Kroupskaïa, ses collègues du Glavpolitprosvet, certains dirigeants bolcheviks et quelques responsables provinciaux ? Peut-être, à l'autre bout de la chaîne, ceux qui se portent volontaires : les bibliothécaires, les " liquidateurs " de l'analphabétisme, les izbachi de village. On objectera alors que ce sont justement tous ceux qui ne participent pas vraiment au système d'éducation politique élaboré par les bolcheviks, et on aura raison. L'animation des bibliothèques rurales et la lutte contre l'analphabétisme sont héritées des " populistes " et des éducateurs du peuple de l'époque tsariste. Quant aux éducateurs politiques des villages, ils s'apparentent aux premiers volontaires apparus au cours de la Première Guerre mondiale, qui ont fait des émules pendant la guerre civile. Il semblerait donc, une fois de plus, que les bolcheviks n'ont rien inventé et qu'ils ont échoué, quoi qu'on pense de leur entreprise, à réaliser leurs ambitieux projets.



Les_ izbachi_ de village font toutefois partie du système institutionnel mis en place par les bolcheviks. A l'instar d'autres responsables locaux, ce sont surtout des paysans qui en sont partie prenante mais ils n'appartiennent pas aux instances dirigeantes locales. Le choix du réseau d'éducation politique s'expliquerait alors par le contenu foncièrement positif et progressiste de l'idéologie véhiculée par cette organisation en particulier. Elle se fonde à partir de 1924 sur le thème de " l'alliance ouvrière et paysanne " et sur la reprise d'une rhétorique (trompeuse) de la démocratie et de l'autonomie locale. Les éducateurs politiques volontaires y ont-ils cru ou ont-ils essayé d'en profiter à leur échelle ? Une hypothèse envisageable est que les éducateurs politiques locaux se considèrent, au-delà de leurs stratégies individuelles de promotion sociale, comme des intermédiaires. D'une part, ils maîtrisent le " parler bolchevique " et se révèlent parfaitement en mesure de renvoyer à leurs supérieurs hiérarchiques une image du village qui corresponde à la représentation faussée qu'on en a au chef-lieu de canton, d'arrondissement, de province et à Moscou. D'autre part, ayant satisfait la volonté de contrôle des instances soviétiques, ils sont éventuellement capables de traduire à certains paysans ou à l'ensemble de la communauté les principaux attendus de la (mouvante) politique paysanne des bolcheviks. Les paysans seraient alors à même de poursuivre leurs activités sans trop pâtir de la révolution agraire et de la modernisation agricole.



Finalement, notre travail autour de la question de la " formation " des cadres de l'éducation politique relativise aussi bien la notion de " recrutement " que celle d'" engagement " au sein du " système soviétique " qui se structure au cours des années 1920. S'il s'avère plus facile, dans un " groupe social " qui peine apparemment à être structuré, de dévoiler des parcours individuels, il n'en reste pas moins que l'historien est en mesure d'établir, grâce à de nouveaux types de sources, des comportements communs et des convergences culturelles.

1 Jacques REVEL, " L'histoire au ras du sol ", introduction à Giovanni LEVI, Le pouvoir au village. Histoire d'un exorciste dans le Piémont du XVIIe siècle, Paris, Gallimard, 1989, p. XV.



2 Oleg HLEVNJUK, " L'historien et le document. Remarque sur l'utilisation des archives ", Cahiers du monde russe et soviétique, vol. 40 (1999), n°1-2, p. 103.



3 Michael DAVID-FOX, Revolution of the Mind. Higher Learning Among Bolsheviks, Ithaca, Cornell University Press, 1997.



4 " My ne raby, raby, ne my ", GARF (RSFSR), f. 2306, op. 65, d. 24, l. 1.



5 " Programma kursov za 1925-1926 uchebnyj god " (Programme des cours pour l'année scolaire 1925-1926), CMAM, f. 1957, op. 1, d. 2, l. 27.



6 EL'KINA, " Chto nam skazala prakticheskaia rabota studentov v derevne " (Ce que nous a montré le travail pratique des étudiants à la campagne), Nasha praktika v derevne (Notre stage pratique à la campagne), Moscou-Leningrad, Gosizdat, 1925, p. 5. La directrice du MPPI, D. Ju. El'kina, indique dans cet article liminaire les objectifs de ce stage pratique : apprendre à utiliser les forces locales pour le travail en commun, c'est-à-dire, dans un contexte de faible travail d'éducation politique, savoir répondre aux besoins des paysans. Ces derniers ne doivent plus être considérés comme des personnes limitant leur intérêt à leur village, tandis que les politprosvetrabotniki doivent apprendre en priorité les bases de l'agronomie. Ibid., p. 6-7.



7 " Otchëty o rabote studentov na letnei praktike " (Rapports sur le travail des étudiants lors du stage pratique estival), CMAM, f. 1957, op. 1, d. 17, 20 feuillets.



8 EL'KINA, " Rabota PPI v Moskve ", CMAM, f. 1957, op. 1, d. 2, l. 16.



9 S. NEVEL'SON, " Itogi rabot v oblasti likvidatsii politicheskoj negramotnosti " (Bilans des travaux dans le domaine de la liquidation de l'analphabétisme politique), in Nadejda K. KRUPSKAJA, (réd.), Zadachi i organizaciia sovpartshkol, (Les tâches et l'organisation des écoles des Soviets et du Parti), Moscou, Krasnaia Nov', 1923, p. 93.



10 Le budget total est estimé avant le déroulement des cours à 4837,36 roubles (auxquels est jointe une somme de réserve équivalente à 10% du total), comprenant l'alimentation des étudiants, des bûches pour le chauffage, les fournitures scolaires, le salaire des enseignants, des billets de tramway, des assortiments (_komplekty_) de livres, et enfin le salaire d'un cuisinier et celui du secrétaire des cours. " Smeta na soderzhanie kursov Mosgubpolitprosveta po podgotovke rukovoditelei izbami-chitalnimi " (Budget pour le financement des cours du Mosgubpolitprosvet pour la formation des dirigeants des izby-chitalni), 3 novembre 1924 (date ajoutée à l'encre rouge), CGAMO, f. 972, op. 4, d. 162, l. 136.



11 KIREEV, " Kto brat' na kursy izbachei ", CGAMO, f. 972, op. 1, d. 198, ll. 16-17.



12 Anna G. KRAVCHENKO, " Otchët o kursah izbachei s 7-ogo oktiabria po 1-oe noiabria 1924 " (Compte-rendu sur les cours pour izbachi du 7 octobre au 1er novembre 1924), CGAMO, f. 972, op. 4, d. 162, ll. 4 ob-5.



13 Ibid., CGAMO, f. 972, op. 4, d. 162, l. 5.



14 " Kakuju gazetu chitaesh' sistematicheski " (Quel journal lis-tu systématiquement), CGAMO, f. 972, op. 4, d. 162, l. 35 ob.



15 CGAMO, f. 972, op. 1, d. 197, l. 49.



16 CGAMO, f. 972, op. 1, d. 197, l. 49 (manuscrit).



17 CGAMO, f. 972, op. 1, d. 197, l. 27.



18 Ibid.



19 " Ne vous plaignez pas de ne pas avoir pu assister aux cours. Le programme était pratiquement le même que les cours pour izbachi de février et mars. Il y a eu de petites digressions, mais elles ne justifiaient pas de manquer tout un mois d'une période brûlante, quand on organise le travail pour l'hiver. Il y avait 6-7 anciens étudiants aux cours. Ils disaient eux-mêmes ouvertement que les cours étaient pour eux un repos. " Lettre d'Aleksandrov, novembre 1924, CGAMO, f. 972, op. 4, d. 157, l. 27



21 Jacques REVEL, " Micro-analyse et construction du social ", in Jacques REVEL (éd.), Jeux d'échelles. La micro-analyse à l'expérience, Paris, Gallimard-Le Seuil, 1996, p. 32.



22 Un izbach, âgé de 36 ans en 1924, n'est pas rentré immédiatement chez lui, " auprès de son père ". Pendant près de quatre ans et demi, il a exercé le métier d'agriculteur, notamment dans un sovkhoze de la province de Voronej ; puis, à son retour, il a décidé de devenir bibliothécaire, et finalement, izbach. CGAMO, f. 972, op. 4, d. 199, l. 168.



23 CGAMO, f. 972, op. 4, d. 199, l. 35.



24 S. VOLK., " Kak my gotovyli novyh izbachej " (Comment nous avons préparé de nouveaux izbachi), canton de Buholovo, arrondissement de Volokolamsk, province de Moscou, Izba-chital'nia, 1926, n°5 (mars), p. 41.



25 VOLK, " Uchëba sel'skikh izbachej " (Les études des izbachi de village),, CGAMO, f. 966, op. 3, d. 1409, l. 29.



26 Ibid., CGAMO, f. 966, op. 3, d. 1409, l. 23.



27 Ibid., CGAMO, f. 966, op. 3, d. 1409, l. 24.



28 Ibid., CGAMO, f. 966, op. 3, d. 1409, l. 25.



29 Ibid., CGAMO, f. 966, op. 3, d. 1409, l. 24. On prévoit de fournir à chaque auditeur un code agraire, un code forestier, et un exemplaire des brochures spécialisées suivantes : Le travail d'art plastique à l'izba-chital'nia de Maslennikov, Le travail du cercle agricole, Le travail du cercle dramatique, Le travail avec le journal. La notion de shefstvo désigne non seulement l'alliance (_smy?ka_) culturelle des ouvriers d'une entreprise (ou d'une organisation soviétique, comme les rédactions de journaux centraux) donnée avec les paysans d'un village donné, mais également une aide matérielle (matériaux de construction, outils, plus rarement livres, etc.).



30 Ibid., CGAMO, f. 966, op. 3, d. 1409, l. 28.



31 Ibid., CGAMO, f. 966, op. 3, d. 1409, l. 26.



32 Ibid.