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Axes de recherche

Publié le 14 novembre 2007 Mis à jour le 12 décembre 2007

Le choix du changement de nom de l'équipe à l'occasion de ce nouveau contrat quadriennal souligne la nouvelle étape dans laquelle nous souhaitons entrer. Il est apparu nécessaire de redéfinir des axes de recherches susceptibles de nous permettre de combler des manques tout en identifiant les nouveaux questionnements que nos acquis faisaient surgir. C'est à ce titre qu'il nous est apparu nécessaire d'accorder aux conflits une place plus importante que celle octroyée à cette question dans le passé. Présents dans presque toutes les situations sociales que nous avons étudiées, nous n'en avions pas réellement fait un prisme d'analyse prioritaire, position privilégiée que nous avions au contraire accordée aux liens de solidarités, tout particulièrement dans le cadre familial ainsi que dans la reconstitution des réseaux. Il est apparu nécessaire que, pour mieux saisir l'étroite dialectique qui opère entre solidarités et conflits, il fallait centrer l'analyse sur les liens sociaux en général, sans exclusive ni priorité d'aucune sorte.

Le choix de cette nouvelle orientation va de pair avec l'arrivée dans l'équipe de deux nouveaux chercheurs permanents, V. Sottocasa et O. Caporossi, qui apportent chacun des questionnements neufs. La première introduit dans notre réflexion sur le lien social les questions du politique et du culturel que nous avions largement négligées. Le second nous oriente quant à lui vers la question de la délinquance et de la marginalité sociale, aspects là encore que nous n'abordions pas ou que très indirectement. Notre approche, toujours centrée sur l'aire de la Méditerranée occidentale et de ses prolongements coloniaux atlantiques entre les XVème et XIXème siècles, nous permet d'offrir une réflexion à la fois cohérente et originale sur un sujet qui constitue l'un des fronts pionniers de l'histoire sociale actuelle. Les trois ateliers que nous avons choisis pour structurer notre équipe permettent ainsi d'aborder divers aspects, certes différents mais étroitement complémentaires, de notre problématique collective que chacun déclinera selon ses propres spécificités. Dans le même temps, afin de ne pas perdre de vue l'objectif de la cohérence scientifique de l'équipe, nous maintiendrons la pratique du séminaire d'équipe au rythme actuel, à savoir deux fois par an au moins. Enfin, il est important de signaler que ces approches du lien social sur lesquelles nous travaillons trouvent toute leur place dans le cadre des divers enseignements du Master d'histoire moderne et contemporaine inauguré à la rentrée 2005. À ce titre notre équipe prend en charge plusieurs séminaires, tant de niveau M1 que de niveau M2.

Enfin, nous continuerons notre politique d'ouverture vers d'autres équipes travaillant, tant en France qu'à l'étranger, sur des problématiques voisines des nôtres. Au cours du prochain quadriennal, nous renforcerons tout spécialement nos collaborations avec deux équipes : d'abord au sein du SEDET (Paris 7) avec l'équipe dirigée par Z. Moutoukias qui développe des recherches très proches des nôtres ; ensuite avec l'équipe de Francisco Chacón, de l'Université de Murcie, de renommée internationale pour la qualité de ses travaux sur la famille et qui souhaite collaborer avec nous afin d'intégrer dans ses réflexions des analyses, nouvelles pour elle, en termes de réseaux. Nous déposerons pour cela un projet Picasso, au printemps 2006.

Atelier 1 : Lien social et mobilités géographiques (F. Brumont)
Enseignants-chercheurs permanents : F. Brumont, O. Caporossi, B. Doumerc, J. Thomas.

Problématique et projets de l'atelier
Les sociétés anciennes sont volontiers décrites comme des sociétés immobiles, des sociétés de sédentaires, animées toutefois de mouvements à courte distance, dans un espace confiné et bien connu d'eux, « mouvement brownien » pour Marc Bloch, sociétés de « sédentaires-voyageurs » « de voyageurs sans voyages » pour reprendre les expressions utilisées par Madeleine Foisil à propos du sire de Gouberville. Pour notre part, nous assimilerions plutôt les mobilités géographiques aux trois temps braudéliens : la mobilité du quotidien, celle qui mène le paysan aux champs, à la messe, au marché, à la foire ou chez ses parents et voisins, mobilité que seuls des documents exceptionnels, comme les livres de raison, peuvent nous faire approcher ; le voyage à moyen terme, celui qui est lié aux « jeux de l'échange », au sens large du terme qui concerne aussi bien les marchands, les muletiers que les étudiants ou les bandits de grands chemins, enfin, les voyages au très long cours, liés à la mondialisation de l'espace qui expédie marins, marchands, administrateurs soldats, aventuriers et explorateurs sur toutes les mers du monde qui s'ouvrent peu à peu aux navigateurs dès la fin du Moyen Âge.
Nous nous intéresserons plus particulièrement au deuxième type de mobilité, essentiellement terrestre, qui concerne certainement un grand nombre d'individus, des hommes pour la plupart, appartenant à toutes les couches sociales. Certains d'entre eux font l'objet de travaux de la part des membres de l'équipe. Outre les marchands, dont nous parlerons plus en détail plus bas, citons les étudiants et leurs maîtres (Patrick Ferté), les officiers de justice (Jack Thomas) ou les officiers tout court, comme ces soldats flamands qui s'engagent en masse dans les armées espagnoles (Thomas Glesener). D'autres ont des motifs moins avouables mais tout aussi compréhensibles de se déplacer, et parfois rapidement, ce sont les malfaiteurs qu'étudie Olivier Caporossi, des faux-monnayeurs dans ce cas, qui ont de bonnes raisons de circuler, voire de franchir les frontières si le besoin s'en fait sentir. Loin de ces marginaux, signalons une catégorie professionnelle, inscrite par définition dans la mobilité, les consuls, étudiés par Bernard Doumerc.

Après avoir mis en chantier deux rencontres ayant abouti à deux publications portant sur la circulation des marchandises et les réseaux marchands terrestres, les conclusions du colloque d'Andorre permettent d'avancer que ce dernier thème mérite une plus grande attention. En effet, il nous semble intéressant de mettre en lumière les acteurs même de la circulation des produits, éclairer les relations qu'ils entretiennent entre eux et le rôle qu'ils jouent. La personne du marchand est à la base de la circulation physique des marchandises, mais elle peut transmettre aussi des informations sur les besoins, voire les goûts, susciter ou répercuter les modes, et donc influencer les producteurs. C'est ce que montrent, par exemple, les travaux de Francis Brumont sur les relations entre les marchands navarrais et béarnais et les producteurs de toiles normands et lavallois, relations qui se nouent par de contacts personnels lors des foires du Poitou, qui se tiennent à intervalles réguliers à Niort et à Fontenay-le-Comte. Le marchand serait ainsi la figure centrale, le personnage clé, par son rôle d'intermédiaire, par l'interaction qu'il créerait entre l'amont (la production) et l'aval (la consommation).
Nous touchons là les acteurs directs de la circulation, les donneurs d'ordres autant, en définitive, que la pléiade des facteurs, muletiers, colporteurs, transporteurs en tout genre, autres acteurs essentiels du commerce, mais figures qui restent encore à découvrir. La connaissance des marchands bute, tout d'abord, sur un problème de sources, en grande partie résolu lorsqu'on dispose d'archives privées. Dans la plupart des cas, l'archive notariale, au prix d'un long dépouillement, devient une ressource inestimable, nécessaire à une micro-analyse et à une approche prosopographique. En ce sens, il serait intéressant que des études de cas permettent de se confronter aux acquis récents de l'historiographie concernant les réseaux marchands, par exemple ceux présentés en 2003 par Anthony Molho et Diogo Ramada Curto dans un numéro des Annales. Histoire, sciences sociales.
Les trois mots du sous-titre (« organisation, hiérarchie, mobilité ») annoncent les trois axes autour desquels nous voudrions creuser le thème des acteurs du commerce, quoiqu'il y ait une réelle imbrication, dans la réalité, entre ces trois termes.
Ce projet s'inscrit dans la continuité de la collaboration entre les chercheurs, de part et d'autres des Pyrénées, engagés dans une démarche de recherche similaire et prêts à s'engager au sein d'un projet collectif. Ce dernier pourrait être structuré au cours de l'année 2006 et donner lieu à des séminaires méthodologiques au cours des années 2007 et 2008, tant dans les universités espagnoles que dans leurs homologues françaises. La synthèse des recherches donnera lieu à un colloque à l'automne 2009. Remarquons, pour terminer, et les thèmes proposés pour ce futur colloque le montrent bien, que la mobilité géographique est bien souvent liée à la mobilité sociale et que les espoirs d'ascension motivent bien des déplacements ; il n'est donc pas possible de dissocier ces recherches des autres thèmes envisagés dans le reste de l'équipe « lien social »

Atelier 2 : Le lien familial (C. DOUSSET, S. MOUYSSET)
Enseignants chercheurs permanents : C. Dousset, C. Judde, L. Macé, S. Mouysset, I. Réal.

1) Problématique
Plus souvent décliné au pluriel, le lien familial est à l'origine de bien des sociabilités, envisagées comme formes élémentaires de la vie collective et de toute communauté sociale. Suivre ce lien tel un fil rouge permet d'aborder la famille, non comme une entité construite et quasi immuable, mais comme un ensemble en perpétuelle construction afin de mettre à jour ses processus de formation, d'épanouissement et de dégénérescence. Molécule élémentaire de la vie familiale, ce lien se décline sous différentes formes, envisagées selon la position généalogique de ses acteurs : lien filial, conjugal, fraternel ou encore électif, chacun tisse successivement ou simultanément plusieurs fils. Il ne s'agira pas ici d'en dresser un inventaire typologique exhaustif, mais plutôt de proposer d'ouvrir un débat ou d'approfondir une question précise sur l'une ou l'autre de ses formes, de ses productions, de ses possibles ou impossibles facultés de renouvellement. Pour l'instant, les pistes proposées sont les suivantes.

2) Structuration

a)Chantier 1 : le lien vécu

- Frères et sœurs (Isabelle Réal, Laurent Macé, C. Dousset, C. Judde, S. Cassagnes-Brouquet ?)
Si les liens conjugaux comme les relations parents/enfants ont fait l'objet de l'attention des historiens depuis une trentaine d'années environ, l'intérêt de ces derniers pour les relations fraternelles est récent, et concerne surtout la période médiévale. Pour les époques suivantes, les liens entre frères et sœurs sont perçus avant tout à travers la question des rapports aînés/cadets, particulièrement prégnante dans la France méridionale, et les conflits qui en résultent. Létude du lien fraternel dans toute sa richesse invite à envisager d'autres aspects : les représentations et les discours de la fraternité, les formes multiples des solidarités fraternelles, l'attribution des rôles au sein de la fratrie, l'influence du genre. - Fraternité et amitié (Isabelle Réal / Claire Judde) :
famille et sentiment. Travail sur les groupes de coopération , indispensables à toute vie sociale. L'amitié comme prolongement du lien de parenté (vocabulaire, formes et valeurs) - Le lien conjugal (Christine Dousset, Sylvie Chaperon, Maurice Daumas)
Sur un terrain mieux connu que celui des relations fraternelles, il s'agira de replacer la promotion du lien conjugal dans la très longue durée. Pourront être ainsi abordées dans une perspective diachronique les manifestations de l'attachement conjugal et la place de la sexualité dans la définition du lien conjugal.

b)Chantier 2 : penser et représenter le lien

- Écrire le lien familial (Sylvie Chaperon, Sylvie Mouysset) - Inscrire le lien dans l'éternité familiale (S. Mouysset) : ici sera observée la relation du lien familial à l'écrit, et en particulier à l'écrit mémoriel. Relation à l'origine même de l'écriture, notamment dans le cas particulier du livre de raison rédigé et transmis de père en fils, le lien est singulièrement mis en scène sous la plume du scripteur - Définir la norme : médecins et hygiène conjugale (D. Foucault et S. Chaperon) : L'histoire de la sexologie ne commence pas avec l'invention (ou plutôt la traduction) du mot en 1911. Durant la seconde moitié du XIXe siècle, des médecins de plus en plus nombreux écrivent sur le bon usage et les troubles de la sexualité conjugale. - Gestes et rituels (I. Réal) : Comment s'entretiennent, se nourrissent, s'évanouissent et se réactivent les relations familiales et/ou amicales (I. Réal). Les historiens de l'art (S. Cassagnes-Brouquet) travaillent sur l'iconographie du lien familial : il serait alors très passionnant de tisser des liens (sic) et de proposer des travaux communs.

3) Projets de l'atelier
Un séminaire d'équipe et des journées d'étude (sur les thèmes définis ci-dessus). Un ouvrage sur : frères et sœurs , concentrant l'ensemble des perspectives abordées par les membres de l'atelier (comme écrire le lien familial, normes médicales et juridiques, amitié, représentations iconographiques).

Atelier 3 : Du lien social au conflit (V. Sotttocasa/M. Bertrand)
Enseignants-chercheurs permanents : E. Balancy, M. Bertrand, C. Judde, O. Caporossi, J P Priotti, V. Sottocasa, J. Thomas.

1) Problématiques de l'atelier
La problématique de cet atelier vise à explorer le fonctionnement des liens sociaux tant dans des contextes de solidarités que de conflits. Les liens sociaux considérés seront ici autant ceux qui s'inscrivent dans une ritualisation sociale, notamment dans un cadre familial, que ceux qui ne procèdent pas de telles ritualisations mais n'en sont pas moins essentiels (liens d'amitié, de collaboration, d'association financière, d'identification sociale...). Dans le même temps, si ces liens sociaux, au sens large, permettent d'identifier des configurations relationnelles, cela n'en suppose pas moins de prendre en compte tous ceux qui ne réussissent ou ne veulent pas s'intégrer dans ces systèmes relationnels identifiables. Cela suppose donc de prendre en compte les « marginaux » ou les « exclus » de ces systèmes relationnels tout en ayant bien soin de s'attacher à définir cette exclusion.
L'ensemble des liens sociaux ainsi considérés et de leurs représentations contribuent à construire ce que l'on peut qualifier de systèmes de sociabilités ou relationnels et constituent le champ de travail privilégié de cet atelier. Ces systèmes ne doivent pas être conçus comme autant de structures fixes. De ce point de vue, nous formulons l'hypothèse que le conflit ne doit pas être exclusivement abordé comme le négatif de la stabilité et de la concorde, mais bien plus comme une forme nécessaire d'expression des relations sociales. Solidarités et conflits deviennent alors deux modalités différentes d'une même relation sociale, qui trouve à s'exprimer ainsi de plusieurs façons différentes. Enfin, nous envisagerons dans notre travail la dimension spatiale de ces réseaux relationnels.
Cependant, nous refusons de considérer que ces systèmes relationnels déterminent de manière absolue le comportement de leurs membres. À l'inverse, nous postulons la capacité des acteurs sociaux considérés à s'en affranchir s'ils en ressentent le besoin ou la nécessité. Cela suppose la prise en compte de la dimension plus personnelle et/ou individuelle dans les stratégies construites par les divers acteurs sociaux observés comme participant de ces systèmes de sociabilité.
Les diverses études menées dans cet atelier s'inscrivent dans un temps long allant du bas Moyen Âge jusqu'au XIXème siècle. On peut cependant admettre que pour l'essentiel, les sociétés considérées correspondent à celles dites « d'Ancien Régime ». Quant à l'espace géographique dans lequel s'inscrivent ces études, il couvre le monde de la Méditerranée occidentale. De manière plus précise, les études s'inscrivent dans le monde vénitien (C. Judde et B. Weber), la France méridionale et méditerranéenne (V. Sottocasa, O. Caporossi, J. Thomas), l'Espagne catalono-aragonaise (N. Planas, O. Jané, I. Terricabras, G. Dalla Corte), l'Espagne castillano-atlantique (E. Balancy, J P Priotti, T. Glesener), cette dernière nous ouvrant tout naturellement aux espaces coloniaux américains (M. Bertrand, E. Madrigal, R. Charles, C. Belaubre).

2) Projets de l'atelier
Indépendamment des recherches individuelles qui contribuent toutes à approfondir cette problématique générale de l'atelier, le projet collectif central que nous nous proposons de réaliser consiste à produire une publication collective résultant de la tenue d'au moins un important colloque international, avant lequel nous organiserons, au moins au cours des deux prochaines années, plusieurs journées d'étude successives à la thématique précise.
Un second projet concerne la concrétisation de notre collaboration entreprise depuis un an avec l'équipe de Z. Moutoukias, (SEDET, Paris 7) dont les problématiques et les aires culturelles considérées recoupent en partie les nôtres dans le cadre du programme qu'il y coordonne : « Institutions, conflits et action économique dans le monde hispanique, deuxième moitié du XVIIIe, début du XIXe siècle. Une perspective comparée ».
En étroite collaboration avec lui, notre équipe sera associée à l'organisation d'un colloque international portant sur « Les groupes sociaux et la monarchie hispanique au XVIIIe et début du XIXe siècle » (octobre-novembre 2006) afin de renforcer la dimension comparatiste du projet initial.
Par ailleurs, la composante hispaniste et américaniste de notre équipe sera invitée à s'associer à un projet ECOS sur « Changements institutionnels et fiscalité dans le monde hispanique, 1750-1850 », qui cherche la comparaison entre l'Espagne, le Rio de la Plata et le Mexique. Le choix de la fiscalité comme entrée est justifié par son rôle central, à la jointure de léconomique, du politique et du social. Une première version sur le volet Rio de la Plata/Espagne a déjà été présenté et se trouve en cours d'évaluation. L'année prochaine nous comptons faire de même pour le volet Mexique/Espagne et c'est la composante toulousaine qui pilotera la présentation de ce second volet.
Enfin, en collaboration avec cette équipe du SEDET nous co-organiserons des séminaires/Journées d'études, successivement à Toulouse et à Paris sur le thème commun à nos deux équipes à savoir « Changements institutionnels, réseaux sociaux et action politique dans le monde hispanique ». Ils seront mis en place à compter de l'année universitaire 2007. La finalité de ces rencontres sera de préparer et construire des projets ultérieurs de recherche que nous développerons en collaboration.