Thématique 5, atelier 2 : Médecine, Loisirs Physiques et Sports

1°) Une histoire politique de la médecine des sports et des loisirs 

Il s’agit ici de mieux saisir l’impact de ces hommes qui édifient et instruisent ce nouveau champ. Dans quelles mesures ont-ils mis en selle certaines formes d’exercices pour devenir aujourd’hui ce vaste champ culturel aux nuances si bigarrées ? Leur engagement dans l’implantation des gymnastiques, des sports et des loisirs, nécessite des appartenances citoyennes voire politiques dans les grands courants républicains, ce qui permet au demeurant d’associer ce corps de professionnels à la modernité sportive et aux valeurs du libéralisme républicain. Il s’agira ici d’enrichir les travaux existants en même temps que d’inciter de nouvelles investigations locales, à l’exemple de la région Midi-Pyrénées. Là, les médecins marquent de leur sceau les sports d’eau et de montagne, les footballs et les sports collectifs d’une manière générale, les sports de combats ainsi que les pratiques gymniques et athlétiques. 

Cette histoire implique également de porter un regard sur les politiques gouvernementales dans la mesure où le corps médical alimente les débats, tout en participant aux diverses instances du pouvoir : pendant la Troisième République, sous le gouvernement de Vichy ainsi que dans l’après-guerre jusqu’à aujourd’hui. Nous voulons mesurer ici l’influence des médecins dans les propositions de réformes.

Comment ne pas envisager la dimension internationale de cette histoire, dans la mesure où les médecins dynamisent les premières rencontres entre spécialistes dans le cadre des Congrès Internationaux d’hygiène, d’éducation physique et sportive, de santé publique dirions-nous aujourd’hui ? Sans compter le rôle dévolu aux exercices physiques dans les politiques démographiques, censés régénérer la jeunesse afin de rétablir le prestige de la France sur la scène internationale. Tel est le rôle de leurs Congrès et de leurs Associations lorsqu’ils examinent, parfois dans une perspective eugéniste,  les moyens de prévenir les maladies endémiques, d’améliorer la  natalité et l’espérance de vie, la santé physique et psychologique des citoyens, etc.

 2°) Histoire sociale et institutionnelle de la médecine des sports et des loisirs

Au demeurant, nous voulons nous consacrer également à une histoire sociale et institutionnelle de la médecine des sports et des loisirs. Il s’agit ici de s’approprier les lieux institutionnels de l’intervention des médecins, d’identifier leur implication lors de la création des premières associations sportives de l’enseignement secondaire, dans les sociétés militaires et celles de gymnastiques, puis plus tard au tournant du siècle dans les clubs sportifs et les fédérations, élitaires et amateurs. 

De surcroît, les médecins participent dans l’Entre-deux-guerres à la mise en place du mouvement sportif dans les premières instances universitaires, avec les premiers cercles d’étude – physiologique et biomécanique, les premiers Instituts Régionaux d’Education Physique et la toute parisienne Ecole Normale d’Education Physique. En s’appropriant ces nouveaux lieux d’investigation de la motricité humaine, les médecins œuvrent au contrôle de « la machine humaine » et aux premières mesures du « rendement physique ». 

Bref, sports et loisirs ne peuvent être pensés et amendés sans l’avis des spécialistes de l’hygiène et de la médecine. Au reste, entre 1850 et 1950, le concept d’éducation physique s’adresse autant aux enfants et adolescents du système scolaire, qu’aux ouvriers, militaires et indigènes des colonies, populations désignées comme vulnérables et qu’il paraît urgent de prendre en charge.

Au retour de la Seconde Guerre Mondiale, la contribution des médecins ne fait que s’affirmer au sein du mouvement sportif, dans les centre de formation comme l’Ecole Normale Supérieure de l’Education Physique ou  plus tard dans l’Institut National des Sports, dans les corps des inspecteurs de l’enseignement, dans les ministères de la Défense, de la Santé Publique ou de la Jeunesse et des Sports, etc. Il y a lieu de démêler le sens de leurs démarches au sein de ces instances au moment où leur influence devient incontournable dans ce vaste mouvement de diffusion du sport à l’échelle mondiale.

 3°) Histoire culturelle et technique

Enfin, notre projet entend s’inscrire dans une histoire culturelle et technique, dans la continuité des travaux de Georges Vigarello. Plus autocentrée sur elle-même, cette histoire envisage une confrontation contiguë entre les sciences médicales et les techniques sportives : discours sur les qualités physiques, l’entraînement et l’effort, l’élaboration de nouveaux protocoles et autres outils de mesure du rendement corporel. Etc.

Autrement dit, les investigations à mener se situent aux confins de la physiologie du sport, de la biologie et de la chimie, compte tenu du fait que, depuis les années 1960, les techniques sportives ne laissent plus guère de place à l’aléatoire et à l’empirisme ; sans compter les nouvelles spécialisations inhérente à la médecine de sport (cardiologie en 1953,  traumatologie en 1977,  neurophysiologie, etc.). Bien sûr, ces approches scientifiques nécessitent aussi une investigation des moyens techniques utilisés : fiches anatomiques et physiologiques, tests et prélèvements sanguins, constatations morphologiques, électrocardiogrammes, se confrontent tout au long du siècle aux performances sportives.

Depuis la démarche expérimentale des années 1870-1880, le médecin est devenu un scientifique spécialisé, soucieux de générer des applications inédites. Dans une perspective plus immédiate et a contrario, il doit faire face aujourd’hui à la multiplication des pathologies et au dopage.  Bien sûr, cette histoire technique implique un regard pour chaque discipline sportive, dans la mesure de l’intérêt qu’il lui porte.

Pour autant, le corps médical ne s’est jamais désintéressé du rôle des loisirs dans le cadre d’une quête citoyenne de la santé publique. Il s’agit là d’une permanence depuis le Second Empire et les débuts de la Troisième République. A ce titre, les médecins évoquent la nécessité de la « médicalisation par l’exercice » et prescrivent « leexercices physiques aux différents âges de la vie » (Fernand Lagrange, 1888 et 1889), sans compter l’intérêt de pratiquer un loisir « régénérateur », quoique le sens de ce terme diffère avec le temps. 

 

Dés lors, l’histoire de la relation entre médecine et exercices corporels s’insère dans le cadre plus large de l’évolution des loisirs et de leur accessibilité aux différentes catégories sociales, ce qui apparaît indissociable d’une histoire sociale du travail (Atelier 1).