Ludivine GAFFARD, María Jesús Fuente, Reinas medievales en los reinos hispánicos, Madrid, La Esfera de los Libros, 2003.

María Jesús Fuente, Reinas medievales en los reinos hispánicos, Madrid, La Esfera de los Libros, 2003.


Ludivine Gaffard



Texte intégral :

Professeur d'Histoire médiévale à l'Université Carlos III de Madrid, María Jesús Fuente a largement contribué à l'étude des villes du Moyen Age (_El lenguaje de la ciudad en el tiempo. Diccionario de términos de Urbanismo e Historia Urbana_, 2000). Les groupes sociaux des villes et plus particulièrement le monde des femmes ont constitué des angles d'approche privilégiés (_Las mujeres en la Antigüedad y la Edad Media_,1995) ; dans cette perspective, elle publie son dernier ouvrage Reinas medievales en los reinos hispánicos.

Alors que de nombreux travaux abordent la thématique de la femme dans la plupart des pays de l'Occident médiéval, rares sont les monographies consacrées aux femmes médiévales hispaniques. María Jesús Fuente affirme la nécessité de relativiser la préséance des trois figures françaises que sont Héloïse, Aliénor d'Aquitaine et Jeanne d'Arc afin d'estimer à leur juste valeur les modèles féminins de l'_Hispania_, quelque peu oubliés de la recherche mais tout aussi enrichissants pour la connaissance du Moyen Age.

Reinas medievales en los reinos hispánicos s'organise comme une galerie de portraits mettant en lumière les femmes du roi, non seulement les épouses mais également les mères, les sœurs, les concubines, qui jouèrent un rôle particulier dans l'histoire des royaumes de la Péninsule ibérique. Du VIe siècle aux dernières décennies du XVe siècle, de Baddo et Recarrède à Juana Enríquez et Juan II d'Aragon, se succèdent ainsi des figures hispaniques qui nous éclairent sur le monde féminin qui entourait la royauté.
Dans un contexte médiéval marqué par la diffusion de l'idéologie mysogine d'Aristote et par la doctrine officielle de l'Eglise, les auteurs de traités et œuvres littéraires font de la reine un modèle qu'ils façonnent à partir des modèles antérieurs de la reine Esther et de la Vierge Marie. Cependant, derrière ce portrait idéal, les textes offrent également une autre image de la reine. En replaçant chacune de ces femmes évoluant autour du roi dans son époque, María Jesús Fuente analyse le témoignage des œuvres médiévales qui, malgré leur caractère discursif, permettent de dégager une figure historique de la reine hispanique.
L'étude montre, qu'au haut Moyen Age, selon l'époque et l'espace géographique considérés, la figure de la reine hispanique oscille entre deux pôles opposés ; elle est ici sujet actif dans une société matrilinéaire, là objet passif de transactions destinées à forger des alliances entre familles ou royaumes. Avec l'imposition définitive du système patrilinéaire au XIe siècle, le rôle de la reine se réduit souvent principalement à donner un héritier au roi. Cependant, des espaces de l'échiquier politique s'ouvrent parfois aux reines. Certaines, se dégageant de cette simple fonction de perpétuation du lignage royal, reproduisent le modèle vétérotestamentaire d'Esther et agissent comme médiatrices entre le souverain et les autres forces en présence, telle Violante de Castilla tâchant de préserver la paix entre son époux Alfonso X de Castilla et son père Jaime I de Aragón. Quelques-unes occupent même une place de premier rang dans le gouvernement de leur royaume. Juana Enríquez, Urraca, María de Castille, Leonor de Guzmán, autant de femmes de l'entourage royal dont le travail de María Jesús Fuente souligne le pouvoir effectif : une autorité exercée à travers, qui son fils le futur Fernando el Católico, qui son frère Alfonso VI de Castilla y León, qui son mari Alfonso V de Aragón, qui enfin son concubin Alfonso XI de Castilla.
Monographie mêlant synthèse et anecdotes, Reinas medievales en los reinos hispánicos nous éclaire sur la fonction centrale qu'eurent ces femmes hispaniques évoluant autour du roi durant l'étape fondamentale que fut le Moyen Age pour la construction de l'Europe. Remettant en cause des connaissances établies, María Jesús Fuente propose un éclairage riche et novateur sur un thème souvent négligé par les historiens.